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Dr Véronique Vasseur : Nous vivons dans un pic de pollution quasi-permanent

Publié par Le Nouveau Paradigme sur 24 Mars 2016, 08:35am

Catégories : #Environnement

Dr Véronique Vasseur : Nous vivons dans un pic de pollution quasi-permanent
Molécules chimiques, perturbateurs endocriniens, particules fines nous affectent quotidiennement. Médecin à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, Véronique Vasseur appelle à une insurrection des consciences.

 2000, Véronique Vasseur lançait un pavé dans la mare pour dénoncer les conditions de vie dans les prisons avec son livre Médecin-chef à la prison de la Santé. Aujourd'hui médecin à l'Hopital Saint-Antoine, et désormais sur les traces de lanceurs d'alerte tels les professeurs Dominique Belpomme et Gilles-Eric Seralini, elle signe un nouveau livre-choc, Désintoxiquez-vous(Flammarion, avec Clémence Thévenot, 19€), guide de survie dans nos quotidiens contaminés par les pesticides, additifs alimentaires et autres particules fines.

Pourquoi cet appel à se « désintoxiquer »?

Parce que c'est notre vie, notre quotidien, celui de nos enfants et petits-enfants. Je suis médecin à l'hôpital Saint-Antoine et j'observe très clairement une recrudescence des allergies, de l'asthme, chez des patients qui n'avaient jamais été touchés auparavant. Mais ma prise de conscience s'est aussi faite comme simple citoyenne : comme beaucoup de Français, je lis des articles, je vois des reportages sur les additifs, les pesticides, les insecticides et leurs effets sur notre santé et notre environnement. Je me souviens en particulier d'un reportage sur les Inuits au Groënland. De plus en plus d'enfants y naissent avec des malformations, les cancers augmentent chez les adultes et le lien a été fait avec les graisses de poissons, de phoques, de narvals dont ils se nourrissent et qui sont pleines de dioxines, transportées par les courants marins... J'ai voulu savoir ce qu'il en était pour nous.

Qu'est ce qui vous a le plus frappée ?

Je n'avais pas idée de l'ampleur de la contamination. J'ai découvert qu'il y a des toxiques partout, que nous sommes continûment agressés et contaminés à notre insu. Les molécules chimiques toxiques, de plus en plus nombreuses, la pollution, nous affectent quotidiennement, à très faibles doses, mais de façon chronique, et avec des synergies d'action entre ce que nous mangeons, ce que nous buvons, ce que nous respirons ou ce qui entre en contact avec notre peau. Cela ne vous viendrait pas à l'idée d'avaler de la mort-aux-rats ? C'est pourtant ce que nous faisons, à doses infimes mais quotidiennes, en ingérant les pesticides qui ont servi à traiter nos fruits et légumes, nos thés (il peut y avoir jusqu'à trois cent trente pesticides dans un thé classique !) ou notre vin. L'arsénite de sodium, par exemple, a fait des ravages auprès des viticulteurs. La fille d'un exploitant du Bordelais emporté par un cancer, a d'ailleurs déposé une plainte contre X pour homicide involontaire en avril 2015. Cette démarche au pénal est une première.

De nombreux chercheurs et lanceurs d'alerte, comme les professeurs Dominique Belpomme ou Gilles-Eric Séralini, le toxicologue André Cicolella, informent depuis des années sur les risques santé-environnement. Cette prise de conscience progresse au sein du corps médical, parmi vos collègues?

Pas vraiment. Il y a des démarches individuelles, comme celle du professeur Charles Sultan, spécialiste en pédiatrie et endocrinologie à Montpellier, qui alerte depuis vingt ans sur les perturbateurs endocriniens. Mais la prise en compte de la santé environnementale, à un niveau plus global, se fait, comme d'habitude, avec dix métros de retard ! Pensez au temps que cela a pris pour que les pouvoirs publics reconnaissent enfin la nocivité de l'amiante. Les lobbies de l'agro-alimentaire, de la pétrochimie ou des laboratoires pharmaceutiques pèsent beaucoup plus que les travaux d'un médecin ou d'un chercheur. C'est le profit, avant les gens. Les ondes électromagnétiques sont désormais considérées comme « pouvant être cancérigènes » par l'Organisation mondiale de la Santé mais le sujet reste un tabou parmi les tabous, vu les enjeux économiques. On interdit la vente de portables aux moins de 14 ans … mais on commercialise des forfaits familles. Les études produites par les grands lobbystes l'emportent, et permettent à des scandales de perdurer, comme celui des boues rouges dans la Méditerranée ou des centaines de tonnes d'arsenic, uranium 238, thorium 232, mercure, cadmium, titane, soude, plomb, chrome, vanadium, nickel sont déversées chaque jour par l'industrie de l'aluminium dans les calanques...

Plusieurs lois environnementales viennent enfin d'être votées, comme la « loi Detox » sur les produits chimiques, ou la seconde loi sur les pics de pollution. Ça avance quand même, non ?

Bien sûr. Le bisphénol A a été interdit, le triclosan aussi, les phosphates et les parfums dans les lessives sont en passe de l'être et il existe aujourd'hui des conseillers médicaux en environnement, remboursés par la sécurité sociale quand vous avez une maladie comme l'asthme – ils se déplacent chez vous pour évaluer, et limiter la présence des formaldéhyde et autres polluants présents dans nos intérieurs (neuf cents substances chimiques émises dans nos maisons...). Mais tout cela est bien trop lent. Même si certains d'entre eux ont été interdits, le volume global des pesticides n'a toujours pas baissé. Leur consommation a même augmenté de 9,2% en 2013 ! Et regardez la pollution insupportable de ces derniers jours à Paris ! Nous vivons dans un pic quasi-permanent. La Commission européenne a pourtant menacé plusieurs fois la France d'amendes, et d'un renvoi en justice, si elle ne limite pas la pollution aux particules fines dans dix agglomérations, dont Paris et Lyon.

Difficile individuellement d'éviter les particules fines en ville, en revanche vous appelez à une « écologie de consommation ». De quoi s'agit-il ?

C'est un appel à la vigilance individuelle, sans attendre les pouvoirs publics. Pour reprendre Pierre Rabhi dont j'aime beaucoup la démarche, c'est une insurrection des consciences, y compris celle des consommateurs. Vivre dans une société de consommation ne nous oblige pas à en accepter tous les codes. Même si l'échelon politique reste primordial pour faire avancer les choses, le libre-arbitre doit aussi permettre de nouveaux modes de consommation. Comme dit Coluche, que nous citons en exergue « quand on pense qu'il suffirait que les gens n'achètent plus de saloperies pour que ça ne se vende plus ! » 
Il s'agit, le plus souvent, de conseils simples et de bon sens mais qui sont des actes de résistance : aérer sa maison pour limiter la pollution intérieure, laver les fruits et légumes au vinaigre blanc pour éviter les pesticides, éviter de boire l'eau de bonbonnes en PVC, essayer de cuisiner et éviter les produits transformés... Ne plus acheter des pommes non bio, qui atteignent le sommet de l'échelle toxique, et sont cirées à la morpholine (un additif montré du doigt par l'OMS), quand elles ne sont pas ionisées ou trempées dans du nanoargent. Il faudrait retirer un centimètre de pulpe pour être tranquille, donc il vaut mieux acheter une pomme bio, qui est par ailleurs bien meilleure ! Nous avons écrit ce guide pour que les gens soient informés et se prennent en main, sans paniquer. Moi-même je ne savais pas, et j'ai changé mes habitudes, c'est donc possible ! Avant, je chauffais le biberon en plastique au micro ondes sans que cela me pose de problème existentiel. J'ai arrêté. Je n'achète plus d'aliments sous plastiques, ni de lingettes. Je lave les légumes. Je n'achète plus de produit ménager, je n'ai que du bicarbonate de soude et du vinaigre blanc et ça va très bien.

Comment avez-vous réagi à la présentation des résultats du bilan démographique de l'INSEE qui enregistre une diminution de l'espérance de vie en 2015?

Il y a mille cancers nouveaux par jour en France. Alors bien sûr, on les dépiste mieux. Mais ils se multiplient, notamment les cancers hormono-dépendants, probablement dûs aux perturbateurs endocriniens. Il faudra attendre 2016 pour voir si les tendances se confirment, par delà les explications conjoncturelles dues à la grippe et à la canicule. Sachant que nous sommes de plus en plus confrontés à des « effets cocktail » entre les différents toxiques et qu'il est difficile de dire si un cancer du poumon est dû aux particules fines, au formaldéhyde, au benzène, à la fumée de cigarettes, pour ne prendre qu'un exemple. Alors, en attendant, à nous de redoubler de vigilance.

Weronika Zarachowicz

telerama

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P
Oui autant avertir des jours sans pollution
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L
elle voit clair...
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