la fracturation des roches et à la circulation des fluides sous pression, et dont la source s'est toujours située à l'aplomb du cratère sommital. Le gardien du refuge du volcan, qui accueil les personnes souhaitant faire l’ascension, avait indiqué que les odeurs de soufre étaient supérieures à la normale, bien que le champ de fumerolle qui occupe la partie centrale du cratère n'ait pas montré de variation significative.
Position du Refuge et des cratères et dômes récents. |
Mais ce que nous apprend avant tout ce troisième rapport c'est que le 20 avril deux explosions phréatiques ont eu lieu, à 05h06 et 05h58 (heure locale) sur la zone active du cratère, appelée "Cristal Dome Complex", en raison de l'imposante vallée du Rio Cristal qui éventre littéralement le versant ouest du volcan.
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Enfin, un quatrième rapport spécial est publié le 29 avril dans lequel est décrit un nouveau signal de type trémor, enregistré le jour même, et relié par l'IGEPN a des mouvements de fluides à l'intérieur de l'édifice.
En terme de risques il y a deux choses à voire:
L'histoire du Guagua Pichincha est découpée par les volcanologues qui l'ont étudié en trois sous-ensembles volcaniques nommés "Guagua Pichincha basal", "Toaza" et "Cristal", qui est donc la partie actuellement active de ce volcan complexe. Les études ont par ailleurs mis en évidence que la limite entre chaque sous-ensemble est marquée par une importante phase d'effondrement sectoriel, phénomène dit "avalanche de débris", similaire à ce qui s'est produit au Saint Helens en 1980. Le "Cristal" est donc en cours d'édification dans la cicatrice laissée par l’effondrement du Toaza, que j'ai marquée d'une ligne pointillé sur la première image Google Earth plus haut.
L'activité tardi-holocène de cet édifice (donc finalement l'histoire éruptive de Cristal), couvrant les 2000 dernières années, a été plutôt bien étudiée. Plusieurs cycles éruptifs entrecoupés de pauses ont ainsi été mis en évidence grâce à la nature des dépôts qu'ils ont laissé. La première chose à noter est la relative homogénéité des lave émises : essentiellement des dacites, laves hautement visqueuses qui, lorsqu'elle sont riches en gaz, sont à l'origine de puissantes éruptions explosives. Une fois dégazée cette roche épaisse forme des dômes.
Après cela il n'y a pas de dépôts préservés d'activité, ce qui est le signe d'une accalmie sur le volcan. Elle ne revient qu'au cours du 9ème siècle jusqu'au début du 10ème siècle avec un cycle qui dure environ 150 à 180 ans et qui se termine à nouveau par une puissante éruption plinienne à sub-plinienne datée vers l'an 900. L'étude des dépôts, issues de chutes de cendres et ponces, et d'écoulements pyroclastiques, indique cette fois un volume minimum de cendres et ponces de 600 millions de m3, associé avec un panache qui a pu s'élever jusqu'à 29 km d'après les reconstructions faites à partir des dépôts. Les volcanologues considèrent toutefois qu'un volume non négligeable de cendres à la aussi été enlevé par l'érosion: le VEI, qui normalement tombe à 4 avec un tel volume, pourrait donc être de 5 avec un volume initial dépassant les 1 km3 de cendres et ponces. Cela en fait à l'heure actuelle l'éruption la plus puissante repérée dans l'histoire récente de cet édifice.
Enfin vient un cycle d'activité historique qui débute après plus de 4 siècle de repos avec des éruptions (antéhistoriques mais très récentes et donc bien conservées) recensées dès 1450, 1500, 1566 et 1582. Éruptions parfois assez importantes (vulcaniennes?) comme suggéré par les dépôts d'écoulements pyroclastiques laissés par celle de 1450 par exemple. Ce cycle historique se termine par l'importante, et visiblement bien relatée dans les chroniques coloniales, éruption du 27 octobre 1660, plinienne et d'un VEI 4 avec un volume émis de l'ordre de 200 millions de mètres-cubes, équivalent cette fois à celle du Calbcuo. A l'époque Quito avait souffert de fortes chutes de cendres et subit ce que les chroniques appellent "une nuit de 40 heures". A la fin de cette éruption s'est mis en place le dôme sur lequel sont ouverts les cratères actuels et dans lequel s'est formé le dôme de 1999-2001.
Depuis cette dernière éruption de 1660 le volcan est resté tranquille, ne manifestant que quelques rares explosions phréatiques (1830-1831;1868-1869). La situation n'a commencé à évoluer qu'à partir de 1981 lorsque de nouvelles explosions du même type se manifestent de temps à autres jusqu'en 1998. La situation se développe alors avec une importante sismicité qui mène, en septembre 1999 au départ d'une éruption avec formation de dômes. Pendant plusieurs semaines ils sont détruits par des explosions puissantes (vulcaniennes) générant d'impressionantes colonnes de cendres et des écoulements pyroclastiques, sur le versant ouest, dans le Rio Cristal.
Un panache de cendres s'élève aux abords de Quito, le 07 octobre 1999. Image: IGEPN |
A la lumière de cette histoire récente on perçoit mieux comment les éruptions de ces 2000 dernières années nous montrent ce que pourrait être une activité future, et donc quelles significations les signaux que j'ai présenté plus haut peuvent prendre.
Il y a donc actuellement une modification sensible, quoique limitée pour le moment, de la sismicité qui, fin avril, a conduit à l’occurrence de deux explosions phréatiques. Il est donc possible, pour l'heure:
- que cette activité ne soit que passagère et ne s'accentue pas. Par le passé le volcan a connu une activité phréatique sans que cela ne débouche sur une activité magmatique (années 1830, 1860 mais aussi 2006, 2008, 2009). Ces phases d'activité phréatique pourraient être, au moins en partie, le résultats d'infiltrations d'eau dues aux précipitations.
- ou qu'au contraire qu'elle soit précurseur d'une nouvelle éruption magmatique et, dans ce cas, il conviendra de voir si, dans les semaines-mois qui viennent, ou qui sait, plus tôt encore, les signaux s'accentuent.
En d'autres mots: il me semble qu'il est trop tôt pour avoir un avis clair quand à la signification de cette phase d'instabilité.
Cependant, si l'on regarde plus largement il faut bien voir que le laps de temps ("repos") qui sépare deux crises éruptives sur les 2000 dernières années est compris entre 450 et 800 ans et que rien de significatif ne s'est produit entre 1660 et 1999, soit 339 ans. On peut donc légitimement penser** que l'éruption de 1999 marquait l'entrée dans un nouveau cycle éruptive qui, s'il suit le schéma tracé par les crises précédentes, pourrait durer environ un siècle (ordre de grandeur) pour se terminer par une éruption subplinienne ou plinienne de grande ampleur. De fait il semble peu probable qu'une éruption de VEI "gros 4" ou plus ne se déclenche dans un avenir proche car, ce type d'activité se manifeste plutôt en fin de cycle. Toutefois un éruption de VEI 3 ou même un "petit 4" (équivalent Calbuco) peut se produire dans un avenir plus proche et générer des problèmes relativement importants pour la ville.
Les habitants de Quito ne sont pas, pour les raisons exposées plus haut, dans la zone d'influence de l'aléa "Écoulement Pyroclastique", qu'il soit le fruit d'un effondrement de colonne de cendres ou d'effondrement de dômes de lave: le pire du pire n'est donc pas à craindre. Par contre des éruptions assez puissantes, similaire à celle de 1999 peuvent générer à la fois des chutes de cendres abondantes à même de paralyser la ville pendant une période de temps plus ou moins étendue, ce qui aurait des conséquences forcément lourdes sur l'économie et donc sur le quotidien des habitants. Par ailleurs, même si les écoulements pyroclastiques ne sont pas la principale source de risque, les cendres déposées peuvent donner des coulées de boue qui pourrait causer des dégâts à des infrastructures situées sur les cours d'eau qui descendent du Rucu Pichincha et passent par la ville.
Une situation à suivre, bien entendu
** sans forcément avoir raison puisque seule l'histoire le dira
Source: IGEPN;
http://laculturevolcan.blogspot.fr/2015/05/que-se-passe-t-il-sur-le-volcan-guagua.html