Le Nouveau Paradigme

Le Nouveau Paradigme

Commencer à penser par soi même c'est déjà faire partie de la solution


Tempêtes solaire : tout ce qu'il faut savoir

Publié par Dav sur 10 Mai 2012, 12:27pm

Catégories : #Soleil

 

 Les « tempêtes solaires » reviennent régulièrement comme l’un des risques les plus importants qui menacent l’existence même de l’humanité, voire de la Terre elle-même. J’ai traduit à plusieurs reprises des articles ou repris les mises en garde de certains scientifiques qui attiraient l’attention sur les dangers potentiels liés à ce type d’événement. La catastrophe de Fukushima a elle aussi contribué à relancer le sujet. Les effets les plus marquants d’un orage magnétique déclenché par une tempête solaire pouvant provoquer des pannes d’appareillages électriques, la question de la fiabilité des pompes refroidissant les centrales nucléaires est, en effet, un sujet préoccupant.

 

Mais pour un non-scientifique, essayer de se faire sa propre opinion n’est pas une tâche facile. Le sujet est extrêmement compliqué et nécessite des connaissances dans des matières nombreuses et différentes (astronomie, physique, magnétisme, électricité…). Difficile de faire autrement que de s’en remettre aux spécialistes du sujet, malheureusement ceux-ci ne semblent pas vraiment d’accord entre eux.

 

Récemment interviewé par Bernard de La Villardière pour une « Enquête Exclusive » consacrée à la fin du monde, l’astrophysicien Guillaume Aulanier a tenu un discours plutôt rassurant. Il a aimablement accepté de répondre aux questions de la-fin-du-monde.fr pour approfondir le sujet et balayer l’ensemble de ces interrogations. Précisons que Guillaume Aulanier est LA bonne personne sur ce thème puisqu’il est un spécialiste de l’activité magnétique du Soleil un des facteurs clés de la météorologie spatiale.

 

Dossier : Tempêtes solaire 1/4Guillaume Aulanier interviewé par Bernard de La Villardière pour "Enquête Exclusive"

 

Wikipédia (que j’ai intensivement sollicité pour préparer cet interview), nous apprend que ce que l’on nomme généralement « tempête solaire » est en fait une éjection de masse coronale (en anglais, coronal mass ejection : CME) est une bulle de plasma produite dans la couronne solaire (….)elles peuvent parcourir la distance Terre-Soleil en quelques jours (typiquement trois jours).Le champ magnétique des CME est très fort : une CME atteignant la Terre peut donc provoquer des orages magnétiques en interagissant avec le champ magnétique terrestre. On observe alors des phénomènes de reconnexion magnétique et certaines lignes de champs peuvent s’ouvrir, affaiblissant ainsi le « bouclier » magnétique de la Terre.

 

Dossier : Tempêtes solaire 1/4

Avec Guillaume Aulanier, j’ai cherché à approfondir trois points précis,

La fréquence des tempêtes solaires.

 

Quand on se penche sur la littérature, la question de la fréquence des tempêtes solaires est un peu mystérieuse, on parle d’un cycle « de base » de 11 ans (mais qui peut varier de 8 à 15 ans !), d’un autre cycle de 22 ans, d’un troisième de 179 ans (en relation avec le cycle des planètes géantes gazeuses Jupiter et Saturne – Wikipédia), certains auteurs parlent d’éruption centennale… Pour couronner le tout, le cycle actuel (Nº 24) semble se comporter de façon légèrement erratique, il a commencé en retard et son « pic », initialement prévu en 2012 s’est vu repoussé en 2013 voir 2014.

La-fin-du-monde.fr : Quand on pense à l’astronomie, on fait référence à des calculs certes compliqués, mais toujours d’une grande précision, il semble que « prédire » l’activité du Soleil ne soit pas si simple. Pouvez-vous nous expliquer cette « imbrication » de différents cycles ?

 

Guillaume Aulanier : La question est plus vaste qu’elle en à l’air. Il me faut répondre à la problématique des incertitudes sur les mesures en astronomie, des approximations et limites des modèles physiques, puis de ce que l’on sait sur les fréquences d’occurrence des différentes manifestations cycliques de l’activité solaire, que l’on peut réduire pour simplifier aux taches et aux éruptions solaires, y compris en fonction de leur amplitude.

Allons-y.

 

Les calculs en astronomie sont effectivement souvent compliqués. Mais ils ne permettent malheureusement pas toujours d’obtenir des résultats très précis. Ça dépend de la situation. C’est un principe bien connu en science, celui-là même qui fait que les enseignants, par exemple de physique, demandent aux élèves de ne pas donner trop de chiffres significatifs dans les résultats de leurs calculs. Il y a plusieurs raisons à cette absence de grande précision.

 

Premièrement, les mesures à partir desquelles les calculs sont effectués ne sont jamais parfaites. On parle d’incertitudes. La précision, voire la réalité, des résultats chiffrés qui sortent alors de calculs qui utilisent ces mesures, même quand les calculs eux-mêmes sont corrects, est donc soumise aux incertitudes sur les mesures en amont. Ces incertitudes peuvent elles-mêmes être liées à la qualité limitée des instruments de mesure, ou bien au fait qu’il y a trop de choses à mesurer par rapport à ce que l’on peut mesurer, voire les deux.

 

Dossier : Tempêtes solaire 1/4

Christoph Scheiner, (1575 - 1650), pionnier de l'optique instrumentale et co-découvreur des taches solaires.Ici étudiant les taches solaires en 1625. (Source : Wikipédia)

 

Deuxièmement, les calculs eux-mêmes sont toujours effectués à partir de certaines hypothèses théoriques plus ou moins justifiées, et donc plus ou moins correctes. La qualité de leurs résultats en dépend. De plus, certains calculs ne peuvent tout simplement pas se faire autrement qu’avec des outils mathématiques approchés, ou bien avec des programmes qui font appel à des algorithmes numériques imparfaits. La raison est que toutes les équations mathématiques n’ont pas de solution ou de mode de résolution analytique. Tout ceci est source d’une plus ou moins grande imprécision dans les résultats obtenus.

Ces limites se conjuguent surtout dans le cas de phénomènes naturels et d’équipements technologiques complexes. Cela conduit à une difficulté à établir leur description, et leur prévision. C’est bien connu en météorologie ou en finance par exemple.

l-f-d-m.fr : Mais alors, qu’en est-il en astronomie ?

 

G.A. : Dans le cas de la mécanique céleste, donc pour établir les éphémérides des astres et pour calculer les positions des satellites, l’astronomie arrive à faire des prodiges de précision, avec plusieurs zéros derrière la virgule. C’est dû à la fois à la qualité des mesures sur la position des objets eux-mêmes (ces objets ont le mérite d’être quasi indéformables, donc leurs masses, tailles, et positions sont bien définies), et à la maîtrise des équations de physique qui régissent les mouvements des astres les uns par rapport aux autres (c’est la théorie de la gravitation de Newton, révisée par la relativité générale d’Einstein).

Le cas de la structure interne du Soleil est aussi un cas de précision impressionnant, surtout lorsqu’on se rappelle que l’on ne peut pas aller regarder à l’intérieur de notre étoile. Le modèle standard, unidimensionnel dans la direction radiale du Soleil, est précis à environ 1% par rapport aux mesures radiales faites par héliosismologie. C’est très bien. Mais ce domaine a néanmoins besoin de s’améliorer. Par exemple, on comprend nettement moins bien la structuration du soleil dans les autres directions que la radiale.

 

Dossier : Tempêtes solaire 1/4Représentation schématique du Soleil en coupe (Source : Wikipédia)

 

Dans le cas de la physique de l’intérieur des trous noirs, comme des premiers instants du big bang, c’est un autre extrême. D’abord, on ne peut pas directement voir ni les trous noirs, ni le big bang. On ne peut pas non plus les reproduire en laboratoire. Ensuite, on n’est même pas sûr de connaître la physique qui régit la matière, l’énergie, l’espace et le temps dans ces conditions physiques exotiques. Ce sont donc deux domaines typiques ou les (astro)physiciens sont bien loin d’établir des connaissances fermes et définitives.

 

l-f-d-m.fr : Et pour les cycles solaires ?

 

G.A. : Le cas des cycles solaires est entre les deux extrêmes. Les astronomes n’en sont pas au % de précision. Mais ils n’en sont pas non plus à se poser des questions sur la puissance de dix qu’il faut considérer pour rendre compte de ces cycles. Les connaissances sur les éruptions solaires sont, elles, moins précises que celles sur le cycle solaire. Mais elles le sont assez pour répondre qu’il est invraisemblable qu’elles puissent causer ce qui fait le titre de ce blog.

Voyons à présent ces cycles solaires avec un peu de détails.

 

Les taches solaires sont observées depuis plusieurs siècles, disons 400 ans pour arrondir. C’est ce suivi qui a permis de mettre en évidence une période plus ou moins régulière de 11 ans pour l’apparition et la disparition des taches. On appelle cycle solaire la période qui va d’un minimum du nombre de taches à la surface du Soleil, au suivant. Chaque cycle d’activité présente un pic qui dure environ un an, au cours duquel le nombre des taches à la surface solaire est à son maximum.

On a particulièrement bien observé les taches solaires pendant 23 cycles de 11 ans. C’est à la fois beaucoup, et peu.

 

Dossier : Tempêtes solaire 1/4Le cycle solaire n°23, entre 1996 et 2006, vu dans l'ultraviolet par la sonde SoHO (NASA) (Source : Wikipédia)

 

C’est peu, car la théorie statistique nous dit que toutes les mesures et tous les calculs que l’on peut faire sur les cycles solaires, à partir des 23 cycles clairement observés, ne seront précis qu’à 5 cycles près environ, autrement dit à 20% près. Pas plus. 23 cycles, c’est peu aussi car ça ne fait que deux siècles et demi. On voit donc tout de suite que parler d’un cycle d’activité à long terme, disons de 90 ans, devient assez délicat puisqu’il n’aurait eu lieu que environ 3 fois au cours de la période d’observation. Parler d’un cycle de 180 ans est encore plus difficile, puisqu’on ne peut pas l’avoir vu se répéter une seule fois en entier.

23 cycles, c’est aussi beaucoup. En effet, ça fait des centaines de milliers de taches observées. Cela permet d’avoir un ensemble statistique des plus complets pour l’étude des taches elles-mêmes, notamment leur taille, leur durée de vie, leur emplacement sur le Soleil, et leurs couplages les unes aux autres.

 

Peut-être est-il possible regarder plus loin dans le passé que 23 cycles de 11 ans. Mais de façon indirecte seulement. Il semble que ce soit faisable du fait qu’il que les cycles solaires laissent apparemment des tracent naturelles sur Terre. Par exemple dans les cernes des arbres, et dans les glaces polaires. Lorsque l’on peut les exploiter, ces traces permettent de remonter sur plusieurs milliers d’années dans le passé. Cela permet a priori d’augmenter la statistique de façon très significative. Mais a posteriori, on réalise que la précision de la mesure avec ces traces est nettement moins bonne que ce que l’on obtient en observant le Soleil directement. De plus, on ne comprend pas bien le processus de formation de ces traces terrestres. On peut donc dire qu’il n’est pas impossible, mais qu’il est très difficile, d’étudier l’activité solaire avant le XVIIè siècle.

Les cycles solaires peuvent aussi être étudiés théoriquement, avec de la physique fondamentale.

 

Le Soleil est une sphère de gaz turbulent, autogravitant, en rotation, magnétisé et conducteur de l’électricité. Ça fait beaucoup d’effets physiques réunis en un seul objet. Un avantage est que, contrairement aux trous noirs, tous ces effets physiques sont individuellement bien connus. Mais la vraie difficulté est de comprendre leurs couplages les uns avec les autres. Réussir à les calculer d’un seul bloc, en utilisant les valeurs solaires, est encore aujourd’hui un défi.

 

On peut donc faire ce que l’on appelle des modèles simplifiés du Soleil, et de ses cycles. Mais ces modèles ne sont pas une représentation parfaite de la réalité. Ils n’en demeurent pas moins très utiles, et les plus réalistes d’entre eux sont tout à fait conformes aux observations.

 

l-f-d-m.fr : Alors où en est-on au sujet de la fréquence et de la variabilité des cycles solaires ?

 

 

 

G.A. : Ce que l’on sait à présent, c’est que : le Soleil a une activité cyclique qui a une période de 11 ans pour ses taches ; cette période n’est pas réglée comme un métronome, elle varie parfois entre 9 et 14 ans ; cette durée correspond, en fait, à une demi-période d’un cycle magnétique de 22 ans, au milieu duquel les polarités magnétiques des pôles du Soleil s’inversent ; le cycle solaire est donc de nature magnétique ; les taches solaires sont le siège des champs magnétiques les plus intenses du Soleil ; les éruptions solaires étant de nature magnétique, c’est donc au sein et à la périphérie des taches qu’elles se produisent ; le taux de déclenchement des éruptions solaires est donc corrélé au cycle des taches solaires ; le nombre moyen de taches solaires par cycle varie en gros de plus ou moins 50% par rapport à une moyenne, mais la variation d’un cycle à son suivant n’a (presque) jamais été plus brutale qu’une variation d’environ 25% ; la seule anomalie connue a eu lieu sous Louis XIV, au cours d’une période de 70 ans appelée le minimum de Maunder, pendant laquelle le Soleil a produit très peu de taches ; le cycle le plus intense en nombre de taches a été le cycle 19 au milieu de XXè siècle, et le cycle 10 qui a vu l’éruption de Carrington de 1859 était un cycle tout à fait moyen, moins intense que tous les cycles qui ont lieu au cours des derniers 70 ans.

 

Dossier : Tempêtes solaire 1/4

Le minimum de Maunder correspond à un déficit marqué du nombre de taches solaires entre 1645 et 1715. Un siècle après le minimum de Maunder eut lieu le minimum de Dalton, moins profond. Indépendamment de ces périodes de minimum apparaît très clairement une modulation du nombre de taches solaires, suivant le cycle solaire d'environ 11 ans. (Source : Wikipédia)

 

Voici quelques exemples de choses que l’on croit savoir : il y a peut-être une modulation du cycle de 11 ans sur une période de 90 ans, mais cette modulation n’a pas été observée sur assez de temps pour établir qu’elle est effectivement liée à un effet périodique qui se répète ; les modulations entre un cycle de 11 ans et son suivant, aussi bien en durée qu’en amplitude, doivent être dues au caractère irrégulier et turbulent du transport et de la déformation des gaz magnétisés à l’intérieur du Soleil ; a contrario, la stabilité de l’activité cyclique du Soleil est vraisemblablement liée à la stabilité de la rotation de l’étoile sur elle-même, de sa structure interne, et à l’absence de perturbations extérieures ; il n’existe aucune observation ni aucune théorie sérieuse à ce jour pour affirmer l’existence d’autres cycles ; il semble que les deux hémisphères solaires soient déphasés de quelques mois au cours d’un même cycle ; il semble que, depuis qu’il a achevé sa formation, le Soleil n’a jamais produit de taches solaires notablement plus intenses ou plus nombreuses que ce qui a été directement observé au cours des 400 dernières années ; la variabilité dans la surface et la durée de vie des taches solaires est liée à la taille des poches de gaz magnétisées qui émergent des profondeurs du Soleil vers la surface, mais on connait mal les mécanismes physiques qui régissent leur détermination.

Ce sont toutes ces incertitudes et imprécisions qui ont fait que les astronomes n’ont pas prévu le minimum prolongé qui a eu lieu autour de 2008, entre le cycle 23, et le cycle 24. Ce sont aussi les mêmes limitations qui font que les spécialistes du cycle solaire ont aujourd’hui du mal à prévoir la date du pic d’activité du cycle 24 à mieux que plus ou moins un an.

 

l-f-d-m.fr : Jusqu’à présent, vous nous avez parlé que du cycle des taches solaires. Les éruptions solaires sont liées aux taches, qui sont elles-mêmes liées au magnétisme solaire, mais qu’en est-il de la fréquence d’apparition, et de l’énergie de ces éruptions ?

 

On est sûr que c’est l’énergie contenue dans les champs magnétiques qui alimente les éruptions solaires. On le sait après plus de 100 ans d’observation et de recherches sur ces phénomènes.

 

Avec des outils approximatifs, on sait estimer à un facteur 10 près (une incertitude malheureusement classique en astronomie) quelle est l’énergie maximale qui peut servir à alimenter une éruption, lorsque l’on a pu mesurer le champ magnétique des taches solaires et de leur environnement proche.

 

Lorsque l’on ne dispose pas de mesures du champ magnétique régulières (ce qui est le cas pour les observations datant d’avant la seconde moitié de XXè siècle), on peut tout de même estimer les champs magnétiques au sein des taches. Pour ce, on mesure leur taille et leur forme, sur les dessins, les photographies et les enregistrements obtenus dans le passé. Les liens entre ces propriétés morphologiques des taches, et leur champ magnétique, ont pu être établis avec des observations de centaines de taches, depuis plusieurs dizaines d’années. Mais ces liens sont assez peu précis. Ils ne permettent alors d’évaluer l’énergie maximale d’une éruption solaire qu’à un à un facteur, disons 10 à 100 près.

 

Il y a d’autres façons répandues d’estimer l’énergie des éruptions solaires, une fois qu’elles ont déjà eu lieu. Sans entrer dans leur longue description, disons qu’elles sont tout aussi incertaines. Et qu’elles sont d’autant plus incertaines que l’on analyse des éruptions anciennes, pour lesquelles le nombre et la précision des mesures n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui.

 

Dossier : Tempêtes solaire 1/4

La photosphère et des taches solaires observées par l'Helioseismic and Magnetic Imager (HMI) à bord du Solar Dynamics Observatory (SDO). (Ces images, montrant les observations des dernières 48 heures, sont visibles sur les home pages de SDO et de Guillaume Aulanier)

 

 

La fréquence d’occurrence des éruptions est un sujet un peu plus compliqué.

 

En gros, la face visible du Soleil produit au plus jusqu’à 5 (à 10 si l’on compte la face du Soleil opposée à la Terre) éruptions par jour, en période de pic d’activité. Mais lorsque l’on fait une statistique sur plus d’un jour (disons un an, un cycle, ou plus encore), on réalise qu’il y a d’autant plus d’éruptions que leur énergie est faible, et d’autant moins que leur énergie est forte.

 

La fonction qui relie la fréquence d’apparition en fonction de l’énergie est une loi de puissance. Cette loi est une moyenne, qui tient compte de toutes les incertitudes sur l’estimation des énergies des éruptions. On peut tout de même l’utiliser pour prédire la période moyenne de déclenchement des éruptions d’une énergie donnée, ce qui fonctionne assez bien.

 

C’est l’extrapolation de cette loi à des valeurs en énergie correspondant à des éruptions jamais encore observées (ou du moins, jamais encore estimées à ces valeurs là) qui peut conduire, avec un risque certain, à prédire la fréquence d’apparition d’une super-éruption hypothétique capable de balayer notre bonne vieille Terre. On trouve alors des périodes plus ou moins longues, selon l’énergie de l’éruption hypothétique que l’on considère.

 

Mais est-il bien raisonnable d’extrapoler une loi, trouvée pour une certaine gamme d’énergies observées, jusqu’à de grandes énergies elles-mêmes jamais encore observées (ou disons plutôt, estimées) ?

Afin de répondre à cette question, on peut réfléchir par exemple au fait que les astronomes commencent à savoir que ladite loi n’est plus valable aux énergies les plus faibles. On peut aussi se demander si le Soleil sait mettre en œuvre des mécanismes qui pourraient produire de telles super-éruptions. Or à ce jour, aucun n’est connu par les scientifiques. J’y reviens plus bas.

Il reste donc beaucoup de travail à faire pour comprendre, et à terme prédire, les éruptions solaires, et leurs effets.

Développer une telle prévision est important, car les éruptions solaires ont un effet réel sur l’environnement terrestre, voire sur la Terre elle-même. Toutes les grandes éruptions ont eu des répercussions. Surtout sur des satellites dans l’espace, mais parfois aussi sur Terre, en termes de coupures locales de courant pendant quelques heures. Tout ceci peut être très ennuyeux, et très coûteux.

 

Des recherches appliquées se font actuellement pour faire ce type de prévision, à partir de ce que la recherche fondamentale a déjà découvert. Ça s’appelle la météorologie de l’espace. C’est une science relativement jeune, et balbutiante, car elle n’a que quelques décennies d’âge. Elle s’appuie tout de même sur des connaissances physiques et des observations du Soleil plus anciennes.

 

Mais avec un facteur 10 à 100 d’incertitude sur l’estimation de l’énergie des éruptions avant leur déclenchement, tout le monde conviendra que toute prévision sur les éruptions solaires reste, pour le moins, perfectible. De plus, on ne comprend toujours pas parfaitement la façon dont les processus physiques qui régissent les éruptions s’agencent les uns avec les autres. On ne peut donc toujours pas prédire les sites et heures exacts de déclenchement des éruptions sur le Soleil.

 

Comprendre les propriétés détaillées des éruptions avec des modèles physiques quantifiés, en vue du développement d’une météorologie de l’espace fiable, relève donc encore à ce jour de la recherche fondamentale.

 

Actuellement, les astronomes solaires du monde entier commencent tout juste à pouvoir modéliser -a posteriori- des éruptions observées au Soleil, et ce en incorporant dans leurs modèles des données d’observation, par exemple, des mesures à la surface solaire du vecteur champ magnétique autour du site où une éruption a eu lieu. C’est un effort pour lequel l’Observatoire de Paris fait partie des leaders mondiaux. Cette approche permet de mieux évaluer l’énergie des éruptions, à un facteur 2 ou 3 près. Elle permet aussi de mieux identifier les processus physiques qui sont à l’origine des différents phénomènes qui ont lieu pendant une éruption. Mais, en dépit de progrès substantiels au cours des dernières années, ce type d’étude reste encore peu répandu, il n’a jamais réalisé de prévision, et il est loin d’être automatisable.

 

Dossier : Tempêtes solaire 1/4

Grande Coupole de Meudon de l'Observatoire de Paris (Source : Wikipédia)

 

En résumé, l’état des connaissances sur la prévision des éruptions sur le Soleil est un peu comparable à celui pour la prévision des tornades sur Terre. On en comprend les mécanismes. On a beaucoup d’observations. Mais pas assez pour prédire leur apparition et leur amplitude de façon aussi fiable que, disons, le temps qu’il fera demain.

 

Ceci ayant été dit, les observations passées comme les théories actuelles permettent tout de même d’émettre ce qu’on pourrait qualifier de forts doutes, quant à l’existence d’éruptions solaires suffisamment importantes pour faire tomber en panne tous (ou presque tous) les équipements électriques installés par notre espèce dans le monde, avec les conséquences que l’on peut imaginer, ou lire sur internet.

 

Avec les outils dont les astronomes disposent pour étudier les éruptions, on peut déduire que : en un peu moins de 160 ans d’observation des éruptions, le Soleil n’a jamais produit une seule super-éruption avec une énergie suffisante pouvant causer de tels dégâts ; et en 400 ans, on n’a jamais observé de groupe de taches solaires assez grand pour produire, pense-t-on, une telle super-éruption.

 

Mais, indépendamment de la précision de ces estimations, on peut facilement répondre que 160 ans c’est très court, et que 400 ans ce n’est pas beaucoup plus long. C’est vrai.

 

Pourtant, 160 d’observations avec, disons pour être prudent, une petite moyenne de 2 éruptions par jour, ça fait quand même un ensemble observé de 100 000 (cent mille) éruptions, au bas mot. Mais on peut objecter que, du fait de la loi de puissance décrite ci-dessus, les grandes éruptions sont rares, et donc qu’elles ne représentent qu’un petit sous-ensemble des 100 000 éruptions observées. C’est vrai.

 

Le dernier argument qui vient alors contre l’existence de super-éruptions solaires est de nature théorique.

A ce jour, les astronomes ne connaissent pas une façon réaliste d’agencer, théoriquement, tous les processus physiques qui conduisent habituellement aux éruptions, d’une manière qui pourrait produire un tel événement. Ce n’est pas qu’il n’y a pas assez d’énergie dans le Soleil. Il y en a bien assez. C’est qu’on ne sait pas comment une part suffisante de cette énergie pourrait se concentrer en une seule super-éruption.

 

Pour que ça arrive, il faudrait que toute (ou du moins une très grande part de) l’énergie magnétique du Soleil converge en un seul super-groupe de super-taches. Cette convergence devrait se faire en suivant des déplacements de matière solaire qui iraient à l’encontre de la rotation et de la circulation méridienne de l’étoile, et aussi de ses mouvements de convection internes.

Pourtant, tous ces mouvements sont très réguliers. Ils sont dus, d’une part à l’inertie de la rotation de l’étoile, et d’autre part aux réactions nucléaires qui chauffent son cœur. Il faudrait apporter une énergie considérable pour les contrecarrer. De plus, ce sont certains de ces mouvements qui sont eux-mêmes à la source des champs magnétiques solaires.

 

Par analogie avec la Terre, c’est comme si on imaginait que presque tous les vents du globe pourraient converger en une seule super-tornade, ou bien que presque tous les points chauds du magma convergeraient en un seul super-volcan. L’un ou l’autre pourraient balayer tout un continent, voire plus. Mais peuvent-ils exister ? Les géophysiciens ne savent tout simplement pas comment la Terre saurait produire de telles catastrophes. C’est la même chose pour les astronomes et le Soleil.

Ce sont tous ces arguments qui me conduisent à penser aujourd’hui que la fréquence d’occurrence d’une super-éruption solaire qui pourrait provoquer un cataclysme à l’échelle planétaire est nulle.

 

Télécharger l’article en PDF : 1e article

2e article : la mesure de leur dangerosité et les moyens de s’en protéger

 

"publi 3-4Vers un nouveau paradigme"

2012 et aprés

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Nous sommes sociaux !

Articles récents