Les techniques d’interrogatoire de la CIA, dont certaines sont considérées comme de la torture, pourraient avoir violé les règles de l’agence interdisant les "recherches sur les humains" sans leur consentement, selon des révélations faites par le journal The Guardian.
Le quotidien britannique, qui a eu accès à un document exclusif de la CIA, a révélé que l’Agence centrale du renseignement américain "avait des directives explicites concernant les expérimentations sur les humains, avant, pendant et après le 11 septembre" lors d’interrogatoires sur des détenus suspectés de terrorisme.
Des directives qui ont poussé certains détracteurs de la CIA "à questionner la manière dont l’agence pourrait avoir mis en place des ‘techniques d’interrogatoire renforcées’ alors qu’elle avait apparemment des règles contre les recherches sur des sujets humains sans leur consentement".
Les pouvoirs étendus du directeur de la CIA
Le document publié par le Guardian a été obtenu grâce à l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU). L’association basée à New York y a eu accès grâce au Freedom of Information Act, une loi qui oblige les agences fédérales à transmettre leurs documents lorsqu’ils sont demandés.
‘Human experimentation’ and the CIA
Dans ce document, il est écrit que le directeur de la CIA a le pouvoir :
D’approuver, modifier ou désapprouver toutes les propositions concernant la recherche sur des sujets humains
Des pouvoirs détenus alors que le directeur de la célèbre agence ne possède aucune compétence médicale.
Des médecins pour superviser la torture
Bien que le document date de 1987, la partie concernant les "expérimentations humaines" était toujours effective lors du programme controversé de rétention et d’interrogatoires musclés de la CIA, selon Le Guardian.
La présence de médecins lors des interrogatoires pose également de nombreuses questions. Le journal britannique écrit que le personnel médical "était très impliqué dans la torture des détenus de la CIA". Les docteurs devaient encadrer et conseiller les agents lors des interrogatoires musclés, dont certaines techniques sont assimilées à de la torture.
D’après l’agence de renseignement, cette présence médicale est censée assurer que les techniques d’interrogatoire soient conduites "selon la rigueur médicale". Cependant, les nombreuses notes rédigées par les médecins portant sur leurs observations lors des séances de torture pourraient être assimilables à de la recherche sur les humains.
Selon le Guardian, les experts qui ont évalué le document ont conclu que
La CIA et son personnel médical ont violé (les directives sur les expérimentations humaines) lors de son programme d’interrogatoires et détentions après le 11 septembre.
Notes et observations pour documenter les séances musclées d'interrogatoires
Le cas d’Abu Zubaydah est notamment détaillé par le quotidien. Cet homme a été le premier détenu connu de la CIA à être victime de simulations de noyade. Un responsable du service médical avait écrit dans un mail en août 2002 : Zubaydah "semble très résistant aux simulations de noyade", avant de poursuivre :
Pas d’information utile pour le moment… Il a vomi plusieurs fois du riz et des haricots durant la simulation de noyade. Cela faisait 10 heures qu’il n’avait pas mangé c’est donc surprenant et troublant. Nous prévoyons de le nourrir maintenant.
Les experts sollicités par le Guardian disent tous que pour mener de telles expérimentations la CIA aurait dû obtenir le consentement informé de la personne, ce qu’ils n’avaient pas.
Ces révélations interviennent quelques mois après la publication d’un rapport du Sénat sur la torture au sein de l’agence de renseignement américain. D’ailleurs le Sénat vient de voter l’abolition de la torture lors des interrogatoires, une mesure qui doit être intégrée à la loi de défense nationale 2016.