
Ni les studios américains, ni l'équipe de tournage, ni le personnel du Vine Theater de Los Angeles où le film a soi-disant été diffusé dans son intégralité, n'ont vu le film de série Z islamophobe.

Le film anti-islam, L'Innocence des musulmans, à l'origine de violentes manifestations anti-américaines dans le monde arabe semble n'avoir jamais existé. À ce jour, il est impossible de trouver une seule personne l'ayant vu dans son intégralité. Même les studios américains n'ont jamais réussi à mettre la main sur ce prétendu film de deux heures. Seule la bande-annonce de 13 minutes est disponible sur Internet depuis le mois de juillet.
Pourtant, le réalisateur Sam Bacile (de son vrai nom Nakoula Basseley Nakoula) affirme que son film a été diffusé une fois au Vine Theater de Los Angeles en juin 2012, sous le titre The Innocence of Bin Laden. Mais un employé du théâtre a révélé au Los Angeles Times que personne n'avait assisté à la projection et que lui-même n'avait jamais vu le film.
Aucun détail sur le tournage du film anti-islam ou sur la post-production n'a filtré. Même si une équipe a été mobilisée et que des scènes ont été tournées, aucun indice ne vient confirmer que le film a été monté et produit.
Néanmoins, la chaîne CNN a retrouvé 80 personnes, acteurs et membres de l'équipe technique du tournage. Leur témoignage unanime révèle qu'ils n'ont jamais été mis au courant du contenu du film ni des motivations du réalisateur. L'équipe soutient qu'aucune allusion n'a été faite au prophète Mahomet durant le tournage. Les dialogues ne comprenaient aucun dénigrement envers l'islam. Ainsi, les insultes à l'islam et au Prophète auraient été ajoutées lors de la phase de post-production.
Aux acteurs, Sam Bacile a affirmé que L'Innocence des musulmans, tourné durant l'été 2011, était «un film d'aventures sur l'Égypte ancienne». L'actrice Cindy Lee Garcia, qui tient le rôle de la mère de la future épouse de Mahomet, a confirmé au site Gawker que toutes les références religieuses ont été ajoutées au moment du doublage. La bande-son vidéo a été «doublée pour faire dire aux membres de la distribution des choses qu'ils n'ont pas dites», explique-t-elle. Et d'ajouter: «il n'était d'ailleurs aucunement question du prophète Mahomet dans le scénario original, intitulé Desert Warriors». Il y aurait eu donc un détournement de la bande-son.
En effet, en visionnant l'extrait posté sur Internet, les dialogues consacrés au Prophète ont un son différent. Les lèvres des acteurs ne sont pas synchronisées avec les paroles et semblent dire autre chose. Cindy Lee Garcia a porté plainte mercredi à Los Angeles contre son producteur, disant avoir été trompée sur les intentions de l'œuvre. Elle affirme également n'avoir jamais vu le film dans son intégralité.
Les studios américains, eux non plus, n'ont jamais réussi à trouver le film dans son intégralité. «Le film n'existe pas. Nous avons vraiment cherché un long-métrage et n'avons rien trouvé. C'est simplement une mauvaise vidéo faite à la va-vite. Mais l'idée totalement fausse qui circule, c'est qu'il s'agit d'un projet issu de Hollywood», affirme Marium Mohiuddin, du Muslim Public Affairs Council, une organisation américaine sollicitée par les studios de Hollywood lorsqu'il s'agit de représenter les musulmans à l'écran. Du coup, «les musulmans pensent que le film a été autorisé par le gouvernement américain, ce qui a du sens pour eux, car ils sont convaincus que les Américains maltraitent les musulmans résidant aux États-Unis», conclut-il.
À cela s'ajoutent les interrogations autour de l'identité du réalisateur. Désigné sous le pseudonyme de Sam Bacile dans la distribution du film, le cinéaste est un parfait inconnu des studios et des syndicats à Hollywood. Présenté tout d'abord comme un Juif d'origine israélo-américaine exerçant la profession de promoteur immobilier, il se prénomme en réalité Nakoula Basseley Nakoula, un copte égyptien de 55 ans résidant en Californie. Condamné pour fraude bancaire, les conditions de sa liberté sous caution lui interdisaient d'utiliser un ordinateur. Mais, apparemment, il serait passé outre en surfant sur internet sous le pseudo de Sam Bacile.
Cet homme injoignable a affirmé au Wall Street Journal avoir récolté 5 millions de dollars pour financer son film grâce à une centaine de donateurs juifs anonymes. Un budget qui paraît invraisemblable lorsque l'on voit la piètre qualité de l'extrait mis en ligne…
Tout porte à croire que L'Innocence des musulmans n'a jamais été destinée à devenir un véritable film. Il apparaît aujourd'hui comme une grotesque manipulation boostée par Internet et destinée à attiser la haine dans le monde arabe.
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