En examinant de plus près l’influence d’une ceinture d’astéroïdes sur l’origine et l’évolution de la vie, un groupe d’astronomes vient de conclure que des caractéristiques de ces ceintures dans d’autres systèmes planétaires pourraient bien y décider de l’apparition ou non de la vie.
Comme nous le rappelle Jean-Pierre Luminet dans l’ouvrage qu’il vient de publier sur les astéroïdes et les risques qu’ils font peser sur la vie sur Terre (sur lequel Futura-Sciences reviendra plus longuement), ces petits corps célestes ont joué un rôle important dans l’histoire de la vie sur notre planète. Ils ont certainement contribué à l’existence de l’eau des océans ainsi qu’à la présence de molécules prébiotiques dans ces océans.
Mais les astéroïdes ont aussi été porteurs de mort puisqu’au moins une des grandes extinctions ayant frappé la biosphère, la fameuse crise KT, a été essentiellement causée par l’impact d’un astéroïde au Yucatan (Mexique), il y a environ 65 millions d’années. Toutefois, on peut penser que de tels événements, en forçant la biosphère à redémarrer dans d’autres directions évolutives, ont été bénéfiques en augmentant la diversité, si ce n’est la complexité, des formes de vie ayant habité notre planète.
Mais si tel est bien le cas, il faut en conclure qu’il pourrait exister une étroite fenêtre dans le taux de bombardement par des petits corps célestes permettant l’apparition et le développement de la vie complexe. Des planètes rocheuses comme Vénus et la Terre se sont apparemment formées dans une zone du disque protoplanétaire pauvre en eau. Il a donc fallu un apport suffisant sous forme d’astéroïdes, de comètes et de météorites pour que l’eau des océans existe sur Terre.
Or, les météorites, par exemple, viennent de la ceinture d’astéroïdes. Si celle-ci n’avait pas été assez importante, notre Terre pourrait bien avoir été condamnée à n’être qu’un monde aride et presque dépourvu de vie. Inversement, si la ceinture d’astéroïdes avait été trop importante, il se pourrait que le taux de bombardement de la Terre ait été tellement élevé que jamais la vie n’aurait pu bénéficier de suffisamment de temps pour apparaître ou se complexifier, les compteurs biologiques étant très fréquemment remis à zéro ou presque par l’équivalent de plusieurs 298 Baptistina, comme cela a peut-être été le cas avec le Grand Bombardement tardif.
Une ceinture d'astéroïdes ni trop dense ni trop ténue
Un groupe d’astronomes a creusé cette question de l’importance de la présence et des caractéristiques d’une ceinture d’astéroïdes et leurs conclusions ont été exposées dans un article publié dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (MNRAS) et disponible sur arxiv.
Ils sont partis du fait que la présence et la possible migration d’une exoplanète géante déterminent l’existence, la localisation et l’importance d’une ceinture d’astéroïdes. Si Jupiter avait migré jusqu’à se rapprocher du Soleil pour devenir l’équivalent des Jupiter chaudes observées aujourd’hui, la ceinture d’astéroïdes se serait dispersée. Trop proche, son influence gravitationnelle aurait encore plus inhibé la formation d’une planète et éjecté un grand nombre de corps tôt dans l’histoire du Système solaire, de sorte que la ceinture d’astéroïdes aurait été insuffisamment peuplée pour qu’existe un bombardement météoritique à l’origine de la vie et de la croissance de sa diversité. Au contraire, situé trop loin du Soleil et sans une petite migration comme il semble bien qu’elle se soit produite à l’origine du Grand Bombardement tardif, Jupiter aurait laissé se développer une ceinture d’astéroïdes trop importante avec un taux de bombardement de la Terre catastrophique au cours de son histoire.
Il y a 3 grandes possibilités pour une ceinture d’astéroïdes et son rôle dans l’apparition et l’évolution de la vie. Au centre de ce schéma, on a représenté le cas favorable, c’est-à-dire une géante gazeuse pas trop éloignée d’une ceinture elle-même un peu au-delà de la ligne des glaces. © Nasa/Esa/STSCI
Selon les chercheurs, la position idéale d’une ceinture d’astéroïdes serait juste un peu au-delà de la ligne des glaces (ou snowline), avec une géante gazeuse un peu plus loin et ayant peu migré en direction de son étoile hôte, de sorte que l’exoplanète et la ceinture d’astéroïdes restent juste un peu au-delà de la ligne des glaces. Il s’agit de la frontière au-delà de laquelle d'abord des glaces d’eau, puis plus loin de dioxyde de carbone (CO2), d’ammoniac (NH3) et de méthane (CH4), se forment. Dans le cas du Système solaire, cela correspond à une distance d’environ 3 UA du Soleil.
Les exobiologistes se sont finalement tournés vers les observations faites dans l’infrarouge par Spitzer et concernant 90 étoiles possédant des distributions de poussières tièdes pouvant signaler la présence d’une ceinture d’astéroïdes afin de tester certains calculs qu’ils avaient faits. Le test étant concluant, ils ont finalement examiné 520 géantes gazeuses hors de notre Système solaire. Seulement 19 d’entre elles se trouvaient au-delà de la ligne des glaces.
Selon eux, cela pourrait indiquer que la plupart des exoplanètes géantes migrent en dispersant une ceinture d’astéroïdes et que seulement 4 % des systèmes planétaires possèdent une ceinture d’astéroïdes qui autorise l’apparition et le développement d’une vie similaire à celle connue sur Terre. Ils en concluent qu’il faudrait peut-être se limiter à ce genre de système pour la recherche d’une exoterre porteuse de vie.