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Fukushima : un fragment fortement radioactif découvert à 15 km au Sud du site

Publié par Dav sur 6 Juillet 2013, 15:23pm

Catégories : #Environnement

Un débris (?) fortement irradiant a été retrouvé le 15 juin lors d'une opération de nettoyage effectuée dans le lit de la rivière Naraha Machi à Idekawa, une localité située à 15 km au Sud de Fukushima-Daiichi. Cette source, d'un volume estimé à 2 cm3 [1], est composée d'un matériau irrégulier brunâtre et émet au contact un rayonnement Bêta important, estimé à 3.4 mSv ainsi qu'un complément Gamma d'environ 0.1 mSv, soit un ration B/G de 33. De quoi pourrait-il s'agir ? Est-on certain que cet échantillon provient bien des réacteurs éventrés de Fukushima-Daiichi, et, dans l'affirmative, comment ce fragment - très éloigné de la définition de "l'aérosol" [2] - aurait-il pu se retrouver transporté aussi loin du site ?

 

 

gen4_2013-07_07.png(1) 15 km en trajectoire balistique d'un échantillon de quelques grammes : possible ou impossible ?

Beaucoup de Bêta et un peu de Gamma

En attendant les résultats de l'analyse spectrométrique de l'échantillon qui ne manqueront pas d'être communiqués par Tepco [3] le plus lentement rapidement possible, les premières mesures de radiamétrie ont établi que non seulement l'échantillon dégageait une forte activité radioactive mais que cette dernière était majoritairement constituée d'émetteurs Bêta, une caractéristique permettant de poser immédiatement quelques points de repères.

 

gen4_2013-07_05.png(2) L'échantillon radioactif découvert pèse quelques grammes et mesure 3.5 cm de long 

La principale caractéristique de cet échantillon est donc de présenter un ratio de radioémetteurs Bêta / Gamma de l'ordre de 35 et un "signal" très puissant, estimé à plusieurs mSv/h au contact.

 

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(3) Un débit de dose au contact de 3.5 mSv/h

Au fait, quelle est la signature radiamétrique du combustible nucléaire irradié ?

Si l'on sait que les wagons transportant du combustible irradié du CNPE du Bugey vers le centre de retraitement de La Hague émettaient un débit de dose Gamma estimé à environ 100 µSv/h au contact, le contrôle indépendant [4] effectué à cette occasion ne précise hélas pas le débit de dose Bêta correspondante. Il faut fouiner un peu partout et un bon moment - notre spécialité - pour commencer à dégager des éléments de réponse. Croyez-nous, il est vraiment difficile d'estimer le débit de dose relatif de ces émetteurs, surtout quand l'on sait que le premier radiamètre venu est susceptible d'apporter une réponse claire en quelques secondes ! C'est simple : l'industrie ne communique pratiquement jamais sur les radioémetteurs Bêta liés au combustible nucléaire, car ces derniers sont normalement transparents au cours du cycle industriel. Ils ne deviennent apparents - et problématiques - qu'en aval du cycle, en cas de retraitement, de recyclage ou de stockage "éternel" des déchets électronucléaires.

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(4) Le contrôle inopiné d'un wagon de déchets nucléaires par la CRIIRAD, le 6 août 1998 (CRIIRAD )

 

Si l'on sait que le combustible non irradié est un émetteur majoritairement Alpha donc assez peu dangereux s'il reste confiné dans ses barrières radiologiques [6], le combustible se saturera rapidement en émetteurs Bêta et Gamma au fur et à mesure de son irradiation en réacteur. A titre d'exemple, revenons rapidement sur l'exemple de l'eau contaminée stockée à Fukushima-Daiichi et dont l'actualité nous a rappelé que le problème était loin d'être réglé. Tepco annonçait en avril 2013 une activité Bêta globale environ 1000 fois supérieure à l'activité Gamma globale [7]. Bon, voila pour l'activité globale dans l'eau mais le travail n'est pas parfait, cette évaluation est située dans l'eau et donnée en activité brute et non en débit de dose.

En admettant que le cocktail principal de radionucléides soit composé à la louche d'un "mix" plus ou moins homogène de Cs-137, de Co-60 et de Sr-90 ayant vécu environ deux années dans la nature [8], en considérant leurs facteurs de dose Bêta et Gamma respectifs [9] et en retenant l'unité pour facteur unique de pondération radiologique [10], nous arrivons très grossièrement à une estimation de 75% de rayonnement Bêta (100+100+20/3). Ce calcul très grossier et très probablement erroné va sûrement faire hurler plus d'un radioprotectionniste chevronné mais c'est une base de négociations qui en vaut une autre.
 

15 km de Fukushima-Daiichi c'est beaucoup et peu à la fois !

Premièrement, retrouver des radioémetteurs Bêta dans la nature indique à coup sûr une dégradation du combustible nucléaire si leur source provient bien des explosions de Fukushima-Daiichi. Secondement, retrouver un fragment aussi massif aussi loin du site "accidenté" élimine à priori toute possibilité de transfert atmosphérique [5], l'échantillon ne présentant aucune des caractéristiques typiques d'un "aérosol". Il nous reste donc 3 hypothèses : celle d'une fragmentation en débris de tailles différentes dont certains, par leur masse, ont pu franchir des distances insoupçonnées par une simple trajectoire balistique [11]; un déplacement humain de l'échantillon volontaire ou non et enfin une origine différente de celle de Fukushima-Daiichi mais tout aussi, sinon plus mystérieuse[12] .

Le Ministère de l'environnement Japonais a indiqué de son côté que, sans connaître précisément ni la composition ni l'origine de l'échantillon, il estimait toutefois que son origine "pouvait provenir des explosions d'hydrogène [de Fukushima-Daiichi]." 

 


Sources : Extremely radioactive piece of debris found in 7km from Fukushima nuclear plant “3.4 mSv/h”  (Fukushima-Diary, 3713) - Débris haute dose retrouvés à Naraha  (yahoo.jp, auto-traduction) - Les débris de l'heure 3400 micro sievert de dose élevée dans Naraha  (Yahoo.jp, auto-traduction des commentaires liés à la nouvelle)

 

Notes :

 

[1]  L'échantillon mesure 3 * 1.5 * 0.5 cm environ

[2]  Un "aérosol" radioactif - par exemple un élément de combustible contenant des radioéléments fragmentés par un incendie ou une explosion - est par définition aussi léger que mobile ; dans le cas des nanoparticules  les plus fines (PM0.1 , moins de 100 nm), leur taille atomique peut être estimée à seulement quelques unités, une masse si insignifiante qu'elle leur permet de se maintenir très longtemps dans l'atmosphère, voire indéfiniment (la chambre à gaz atomique, P. Scampa , 11111 (!))

 

[3]  L'échantillon a curieusement été remis à l'opérateur de l'ex-site électronucléaire pour analyse ; je crois que si l'incident s'était produit en France ce dernier n'aurait voulu y toucher pour rien au monde !

[4]  Ce célèbre contrôle radiamétrique effectué par la CRIIRAD sur des wagons de combustible irradié en gare de triage de Sibelin (10 km au Sud de Lyon) le 6 août 1998, initialement refusé par EDF, a été permis grâce à des cheminots moins tatillons. L'analyse a révélé au niveau du convoi des débits de dose Gamma pouvant engendrer chez les personnels d'intervention et de conduite SNCF des expositions nettement supérieures aux normes et des débits de dose Neutron encore plus embarrassants (jusqu'à 30 µSv/h au contact !) (Source : CRIIRAD )

[5]  cf. ci-dessus, la distance de transfert atmosphérique étant inversement proportionnelle à la masse et à la taille des fragments ; dans le cas d'un échantillon pesant ici probablement plusieurs grammes, les seules possibilités de transfert sont balistiques (dues à l'explosion, hypothèse peu probable), accidentelle ou malveillante

[6]  Les émetteurs Alpha sont attrapés (désintégrés) avant de parcourir des distances significatives ; ce phénomène est à la fois une bénédiction en cas de simple proximité avec les émetteurs Alpha et un drame en cas d'ingestion ou d'inhalation de ces derniers dans le corps

[7]  Plus précisément 23kBq/cm3 de Bêta contre 28 Bq/cm3 de Gamma ; (source CNIC)

[8]  Demi-vie du Cs-137 et du Sr-90 : environ 30 années ; demi-vie du Co-60 : 5 ans, le Cs-134 a quant à lui diminué par plus de 2 et peut être négligé par rapport aux premiers cités 

[9]  Co-60 : branchement Bêta à 99.9% ; Sr-90 : Bêta 100% ; Cs-137: environ 20% (données à vérifier)

[10] Photons (Gamma) et électrons (Bêta) : 1 ; Alpha : 20 ; Neutron : 5

[11] Une balle de carabine de précision pèse quelques dizaines de grammes et peut parcourir environ 10 kilomètres  

[12] Des personnes mal intentionnées ayant peut-être profité de la bonne occasion radiologique pour se débarrasser de quelques ferrailles radioactives n'ayant aucun rapport avec "l'accident" ? 

 

NP le nouveau paradigme

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