L’Agence internationale de l’énergie estime nécessaire d’appliquer « des mesures de grande ampleur avant 2020 » si l’on veut éviter une inhospitalité dangereusement croissante de la planète. L’IEA fait ses propositions : promotion de l’efficacité énergétique, limitation des centrales à charbon les moins efficaces, réduction des émissions de méthane dans la production gazière et pétrolière, réduction des subventions à la consommation de combustibles fossiles…
C’est le monde à l’envers, un peu comme quand il fait nuit le jour, quand un pyromane veut éteindre un feu, ou quand à la veille de l’été tombent des grêlons gros comme des oeufs !… En ce mois de juin, c’est l’Agence internationale de l’énergie (IEA) (s’occupant avant tout de la sécurité des approvisionnements énergétiques, notamment pétroliers) qui tire la sonnette d’alarme sur la gravité de notre situation climatique, et cela dans une bien surprenante indifférence.
L’IEA a présenté le 10 juin, à Londres, un rapport spécial demandant de “redéfinir les contours du débat énergie-climat” (Redrawing the energy-climate Map), autrement dit de revoir dare-dare les actions à mettre en place immédiatement pour endiguer la hausse de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Quelques commentaires, souvent inspirés de dépêches d’agences de presse, mettent surtout en valeur les propositions de l’lEA pour “contenir le réchauffement de la planète à 2 degrés”. Avant d’évoquer ses propositions, l’Agence internationale de l’énergie fait des aveux qu’il paraît intéressant de remettre entre toutes les mains citoyennes, y compris celles des plus sceptiques…
« Sur la base des politiques actuelles ou en cours de mise en place, les températures moyennes augmenteront vraisemblablement de 3,6 °C à 5,3 °C »
1er aveu de l’IEA: “Le monde n’est pas en voie d’atteindre l’objectif fixé par les gouvernements de limiter à 2 degrés Celsius (°C) la hausse à long terme de la température moyenne mondiale (…) Sur la base des politiques actuelles ou en cours de mise en place, les températures moyennes augmenteront vraisemblablement de 3,6 °C à 5,3 °C par rapport aux niveaux préindustriels, la majeure partie de cette hausse se produisant au cours de ce siècle.”
2- Nous sommes en train de nous infliger -à nous-mêmes et surtout à nos enfants- en à peine plus d’un siècle (donc à une vitesse géologique grand V) une variation de température moyenne du globe équivalente à celle qui nous sépare de la dernière glaciation, il y a plus de 10 000 ans ! La vraie différence, ce n’est pas 4 ou 5 degrés de chaleur en plus ou en moins, c’est par exemple 1 ou 2 km de glace couvrant les iles britanniques, ou à terme un différentiel de 120 mètres du niveau de la mer…
« Il faut s’attendre à une multiplication et une intensification des phénomènes météorologiques extrêmes (inondations, tempêtes et vagues de chaleur) … Le secteur énergétique n’est pas à l’abri des impacts physiques du changement climatique et doit s’adapter. »
2ème aveu de l’IEA: “Les analyses scientifiques montrent que les effets du changement climatique se font d’ores et déjà sentir, et qu’il faut s’attendre à une multiplication et une intensification des phénomènes météorologiques extrêmes (inondations, tempêtes et vagues de chaleur), ainsi qu’à une hausse des températures mondiales et du niveau des mers.”
Entre autre conséquence: “Le secteur énergétique n’est pas à l’abri des impacts physiques du changement climatique et doit s’adapter.” Les “impacts soudains et destructeurs des phénomènes météorologiques extrêmes” sont jugés comme “un risque important pour les centrales et les réseaux électriques, les installations pétrolières et gazières, les parcs éoliens et autres infrastructures.”
« En 2020 les émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l’énergie dépasseront de près de 4 Gt équivalent CO2 (éq. CO2) la trajectoire permettant d’atteindre l’objectif des 2 °C. »
3ème aveu de l’IEA: “Les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie ont augmenté de 1,4 % en 2012, pour atteindre le seuil historique de 31,6 gigatonnes (Gt)” (…) “En dépit des politiques annoncées, en 2020 les émissions mondiales de gaz à effet de serre liées à l’énergie dépasseront de près de 4 Gt équivalent CO2 (éq. CO2) la trajectoire permettant d’atteindre l’objectif des 2 °C, ce qui met en lumière l’ampleur du défi auquel nous devons faire face dès à présent.” Et encore, l’Agence internationale attribue aux Etats-Unis une bonne réduction de leurs émissions de CO2 grâce au remplacement d’une partie du charbon par du gaz, mais sans prendre en compte les potentielles émissions de méthane dues à l’extraction du gaz de schiste…
« Il est nécessaire de prendre des mesures de grande ampleur avant 2020, date prévue d’entrée en vigueur d’un nouvel accord international sur le climat. »
4ème aveu de l’IEA: “Les actions entreprises au niveau mondial ne sont pas encore suffisantes pour limiter la hausse de la température mondiale à 2°C ». Cependant « cet objectif reste techniquement réalisable, même s’il sera difficile à atteindre ». La condition d’une éventuelle réussite? « Il est nécessaire de prendre des mesures de grande ampleur avant 2020, date prévue d’entrée en vigueur d’un nouvel accord international sur le climat. » Question : Comment aboutir à ces mesures alors qu’aucun pays ne les prévoient à ce jour à l’échelle internationale?
« Le secteur énergétique représente de loin la plus importante source d’émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique, dont il est primordial de limiter le volume. »
5ème aveu de l’IEA : « L’énergie se trouve au cœur même de ce défi : avec plus de 80 % de la consommation mondiale d’énergie basée sur les combustibles fossiles, ce secteur représente près de deux tiers des émissions de gaz à effet de serre. » Confirmation un peu plus loin : « Le secteur énergétique représente de loin la plus importante source d’émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique, dont il est primordial de limiter le volume. » Malgré tout, « des signes inquiétants indiquent que le problème du changement climatique s’est retrouvé relégué à l’arrière-plan de l’agenda politique, occulté par les préoccupations économiques »
Conséquence : L’IEA veut « remettre cette problématique à l’ordre du jour ». Et elle présente « quatre mesures spécifiques pour le secteur énergétique, applicables aisément et rapidement, sans coûts économiques nets, afin de sauver l’objectif de 2°C pendant que les négociations internationales se poursuivent » pour l’après 2020.
Baptisé « 4 Pour 2°c », le plan de l’Agence internationale de l’Energie se répartit de la manière suivante :
-Adoption de mesures spécifiques en faveur de l’efficacité énergétique (49% des réductions d’émissions). Objectif : réduire les émissions de 1,5 Gt eq. CO2 en 2020, pour un coût d’investissement de 200 milliards de dollars en 2020. Question : des normes suffisent-elles pour que ces mesures soient efficaces dès les prochaines années ?
-Limitation de la construction et de l’utilisation des centrales à charbon les moins efficaces (21 % des réductions d’émissions). Objectif : gagner 640 Mt eq CO2 en 2020. Question : les énergies renouvelables et le gaz permettent-ils cette limitation de consommation de charbon alors que celle-ci est en forte hausse depuis les années 2000 ?
-Diminution des émissions de méthane (CH4) dans la production gazière et pétrolière en amont (18 % des réductions d’émissions). L’IEA indique qu’en 2010, « près de 1,1 Gt éq. CO2 de méthane ont été rejetés dans l’atmosphère par l’industrie gazière et pétrolière en amont. Ces émissions, liées au dégazage et au torchage, sont équivalentes à deux fois la production totale de gaz naturel du Nigéria. » Pour l’IEA, « les technologies nécessaires sont déjà disponibles, à des coûts relativement bas. ». Question : Pourquoi donc avoir attendu pour proposer leur diffusion générale ?
En 2011, les combustibles fossiles ont bénéficié de… 523 milliards de dollars de subventions.
-Accélération de la réduction (partielle) des subventions à la consommation de combustibles fossiles (12 % des réductions d’émissions). Selon l’IEA, « les subventions aux combustibles fossiles se sont élevées à 523 milliards de dollars » en 2011, soit « près de six fois le niveau des aides accordées aux énergies renouvelables ». Actuellement, « 15 % des émissions mondiales de CO2 bénéficient d’une incitation de 110 dollars par tonne sous forme de subvention aux combustibles fossiles », alors que « seuls 8 % sont assujetties à un prix du carbone ». Pour l’IEA, « l’accélération des mesures en faveur d’une diminution partielle des subventions aux combustibles fossiles réduirait les émissions de CO2 de 360 Mt d’ici à 2020 et permettrait la mise en place de politiques d’efficacité énergétique. »
« 5 000 milliards de dollars d’investissements supplémentaires seraient nécessaires après cette date (2020, n.d.l.r.) pour se remettre sur la bonne voie ».
6ème aveu de l’IEA : « Le report à 2020 de mesures plus radicales relatives au changement climatique aurait un coût: il permettrait certes d’économiser 1 500 milliards de dollars sur les investissements visant à réduire les émissions de carbone d’ici à 2020. Mais 5 000 milliards de dollars d’investissements supplémentaires seraient alors nécessaires après cette date pour se remettre sur la bonne voie. Le report de mesures supplémentaires, ne serait-ce qu’à la fin de la décennie en cours, entraînerait par conséquent des coûts supplémentaires » pour le secteur énergétique et « augmenterait les risques d’arrêt d’actifs énergétiques avant la fin de leur vie économique ».
Bon, on fait quoi maintenant ?