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Pluton a-t-elle basculé et cache-t-elle un océan ?

Publié par Le Nouveau Paradigme sur 9 Janvier 2017, 13:24pm

Catégories : #Espace

La région de Sputnik Planitia sur Pluton abrite un glacier dans une vaste dépression. Une structure atypique qui révèle l’histoire géologique de la planète naine.

Quelle image garderons nous du passage de la sonde New Horizons près de Pluton en juillet 2015 ? Probablement celle d'une grande région claire en forme de cœur à la surface de la planète naine. Cette mission aux confins du Système solaire a été riche en informations pour les planétologues. Les chercheurs du programme New Horizons, dont Tanguy Bertrand et François Forget, du laboratoire de météorologie dynamique de l’université Pierre-et-Marie-Curie et du CNRS, se sont penchés sur une région étonnante de Pluton, nommée Sputnik Planitia, nichée dans le lobe gauche du « cœur » de la planète naine.

Sputnik Planitia est une vaste plaine de 1 000 kilomètres de diamètre couverte d’une glace lisse et sans cratères (ce qui indique que sa formation est relativement récente, sans doute moins de 10 millions d’années). Ce glacier se trouve dans une dépression probablement née lors d'une collision avec une météorite qui a laissé un cratère profond dans la croûte de Pluton.

Tanguy Bertrand et François Forget ont étudié comment la glace, composée d'azote, de méthane et de monoxyde de carbone, s’est formée au fond du cratère. Ces trois éléments se trouvent normalement à l’état gazeux dans l’atmosphère de Pluton, dont la température est d’environ 40 kelvins (–233°C). Mais du fait de l’inclinaison importante de Pluton (de près de 60°) et de la latitude du cratère (son centre se situe à environ 20° N), cette région est plus froide que la moyenne, ce qui favorise la condensation de l’atmosphère – composée à 99,5 % d’azote – en glace solide à cet endroit. Le phénomène est même auto-amplifié : au fond du bassin, la pression de l'atmosphère est plus forte, si bien que l’azote se condense à une température moins basse que sur les terrains plus élevés extérieurs au bassin situés à la même latitude. La glace, formée à une température de solidification plus élevée, est donc plus chaude dans le cratère qu'aux alentours. Elle dissipe ainsi plus d'énergie par rayonnement thermique (infrarouge), ce qui fait baisser la température et favorise in fine la condensation du gaz en glace.

Le glacier, ainsi formé, mesure plusieurs kilomètres d’épaisseur. En outre, il est plus dense que la croûte de la planète naine, composée de glace d’eau. Une autre équipe de chercheurs a suggéré qu’il a peut-être contribué à enfoncer la surface, si bien que le fond de Sputnik Planitia se trouve maintenant 6 à 13 kilomètres plus bas que les régions alentours.

Cette structure géologique est si importante qu'elle crée une anomalie dans le champ gravitationnel de Pluton, qui influe sur la dynamique entre la planète naine et son satellite Charon. Comme les deux corps ne sont pas parfaitement sphériques mais plutôt ovoïdes, les forces de marée ont a priori conduit le système Pluton-Charon dans la configuration la plus stable, où les grands axes des deux corps sont alignés (on parle de verrouillage gravitationnel). Mais la formation de Sputnik Planitia a perturbé cet équilibre et Pluton a basculé sur son axe, rapprochant ainsi cette région de l’équateur. Aujourd’hui le système Pluton-Charon évolue de sorte que Sputnik Planitia se trouve toujours quasi à l'antipode de Charon. Le basculement de Pluton a provoqué de fortes tensions à sa surface et fracturé sa croûte de glace, ce qui a conduit à la formation de montagnes et de canyons photographiés par New Horizons. Ce phénomène de basculement n’est pas unique dans le Système solaire : il se serait aussi produit sur Mars, lors de la formation du complexe volcanique de Tharsis il y a près de 3 milliards d’années, ou sur la Lune, lors de la formation de la mer de basalte Procellarum, il y a environ 4 milliards d’années.

Une autre équipe de planétologues a étudié les conditions nécessaires au basculement de Pluton. Coment cette dépression a-t-elle pu provoquer le basculement ? Si on utilise le modèle le plus simple de la structure interne de Pluton, un cœur rocheux entouré d’une croûte de glace d’eau, le basculement de Sputnik Planitia vers l’équateur ne serait possible que si le glacier était épais de 40 kilomètres, une valeur beaucoup trop grande pour être réaliste. En effet, une dépression crée a priori une anomalie de masse négative (un déficit de masse) qui a tendance à s’aligner avec l’axe de rotation de la planète et non sur l’équateur. Il faut à l'inverse une anomalie de masse positive (par exemple un massif montagneux) pour provoquer un basculement vers l’équateur.

Une autre possibilité serait que sous la croûte de glace, il existe un océan d’eau liquide qui serait remonté plus près de la surface sous Sputnik Planitia à la suite de l'impact à l'origine de la dépression. L’anomalie de densité serait alors suffisante pour provoquer le basculement de la planète naine. Si ce modèle est correct, Pluton rejoindrait ainsi, par exemple, Encelade et Dioné, deux lunes de Saturne qui abriteraient aussi des océans d’eau sous leur croûte de glace. L’idée qu'un océan d’eau liquide se cache sous la croûte de Pluton est renforcée par d’autres observations de New Horizons, comme la présence de cryovolcanisme à la surface de la planète naine. L’étude de la région Sputnik Planitia a déjà révélé à elle seule une impressionnante moisson d’informations sur l’histoire géologique de l'ex neuvième planète du Système solaire !

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