Le Nouveau Paradigme

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Californie: l'eau ne coule plus à Central Valley, les terres abandonnées

Publié par Le Nouveau Paradigme sur 10 Mai 2015, 16:40pm

Catégories : #Climat

Des terres abandonnées, des travailleurs au chômage, des familles qui font la file pendant des heures pour obtenir de la nourriture gratuite. Avec la sécheresse, bien des maux frappent les fermiers de Central Valley, en Californie.

Un reportage de Yanik Dumont Baron ici radio montréal

Quelle désolation à Central Valley! Tout est brun, gris, poussiéreux. Ces jours-ci, le grenier de l’Amérique du Nord a mauvaise mine. C’est d’ici que vient une bonne partie des tomates, des cantaloups et des amandes qui se retrouvent dans notre assiette. Mais le décor est loin d’être vert. Et les Californiens qui les cultivent sont loin d’entrevoir un bel avenir.

Ça fait des années qu’ils font pousser de la nourriture en plein désert. Mais cette fois, dame Nature semble avoir d’autres plans. Personne ne parle encore de ville fantôme ni de la fin de l’agriculture, mais les champs sont en jachère, et les hommes, sans emploi.

Variations de l'épaisseur de neige entre le 2 avril 2011 et le 2 avril 2015 dans la zone de Central Valley

Photo : NOAA

 

La Californie est habituée aux sécheresses. Après tout, une bonne partie de l’État est dans un climat désertique. Mais la sécheresse qui sévit depuis 2011 est historique. D'après les calculs de chercheurs, le sol n’a jamais été aussi sec en plus de 1200 ans!

Cette année, pas besoin d’envoyer une équipe pour mesurer l’épaisseur de la neige accumulée dans les montagnes. Il n’y en a pas vraiment. Cette neige est pourtant essentielle au rêve californien; c’est une réserve d’eau critique. En fondant, elle emprunte un complexe réseau d’aqueducs et de rivières vers le sud de l’État. Là où se trouvent la plupart des habitants. Au passage, une partie de cette eau sert à irriguer des centaines de cultures dans les champs de Central Valley.

Le Los Angeles Aqueduct, qui traverse les terres asséchées de Central Valley pour amener l'eau jusqu'à la métropole

Photo : Yanik Dumont Baron

 

D’abord les citadins, ensuite les fermiers

« On voudrait pouvoir mettre une paille dans cet aqueduc et en prendre un peu », lance le fermier Joe Del Bosque, un peu à la blague. Il parle de ce grand canal, le Los Angeles Aqueduct, qui achemine l’eau vers la métropole. Son tracé coupe bien des terres agricoles dans Central Valley. Une nécessité géographique qui peut frustrer plusieurs agriculteurs privés d’eau.

Pour la deuxième année consécutive, ces fermiers de la région de Huron n’ont pas droit à leur part d’eau habituelle. Il n’y en a pas assez pour l’ensemble de la Californie. Les fermiers passent après les citadins.

La sécheresse est aussi historique parce qu’elle sévit alors que la Californie n’a jamais été si prospère. Près de 40 millions d’Américains habitent le Golden State. Son économie, propulsée par les nouvelles technologies, a dépassé celle du Brésil. L’agriculture californienne, c’est bien sûr les vins et les pêches, mais aussi plusieurs fruits et légumes : des céleris, des épinards et des kiwis. Et une part grandissante de la production est exportée jusqu’en Chine

 

Photo : Yanik Dumont Baron

 

Dame Nature a cependant mis un frein à une prospérité agricole sans égale aux États-Unis. Sans eau, pas de culture. Ce qui fait qu’une partie des terres de la vallée sont laissées en jachère. Elles seront peut-être travaillées, entretenues, par celui qui veut les garder prêtes pour un éventuel retour de l’eau.

Mais le visiteur remarque que plusieurs terres semblent plutôt à l’abandon. Un fermier disait que le paysage était triste dans ce coin du pays; de vastes champs qui pourraient offrir tant de fruits sont devenus des terrains vagues, craquelés. Difficile de calculer la superficie des terres en jachère; mais il ne faut pas rouler longtemps pour en voir plusieurs.

 

Photo : Yanik Dumont Baron

 

On voit aussi beaucoup de ces pancartes dans la région. C’est un message des agriculteurs envers leurs élus. C’est un vieux message, en fait, qui date de plusieurs années. Mais le symbole demeure poignant. Et d’actualité.

Le Dust Bowl, ou bassin de poussière, fait référence à une grande sécheresse qui a sévi dans les plaines des États-Unis et du Canada durant les années 30.

Ces temps-ci, bien des fermiers pestent contre une partie du complexe système d’allocation de l’eau en Californie. Les décisions de tribunaux et d’institutions gouvernementales placent une bonne partie de l’eau californienne hors de portée des humains. Elle sert à protéger des espèces de poissons, à repousser l’eau salée qui s’infiltre dans un delta au nord de San Francisco.

« C’est un canular, une farce! », tempête Chuck Herrin. Comme bien des gens dans cette vallée désertique, ce fermier croit qu’il y a trop d’eau réservée à l’environnement.

On voit régulièrement des foreuses comme celle-ci dans Central Valley. Cette machinerie sert à creuser des puits.

Photo : Yanik Dumont Baron

 

Vider la nappe phréatique?

Vider la nappe phréatique? Bien sûr, l’agriculture californienne n’est pas sur son lit de mort. Certains fermiers ont des réserves d’eau, sur leurs terres ou dans d’immenses réservoirs gérés par l’État. D’autres ont acheté de l’eau à des prix jusqu’à 12 fois plus élevés que d’habitude. C’est cher, mais essentiel pour assurer une production, et des revenus

Et il y a les puits, pour ceux qui ont de l’eau sous leurs terres. Chuck Herrin Junior (le fils de l’autre fermier) calcule que ce puits coûtera un million de dollars à la ferme familiale. Dans la région, les équipes de foreurs sont tellement occupées qu’il faut s’y prendre plusieurs mois à l’avance pour obtenir leurs services

Pour maintenir une partie de leur culture, les agriculteurs assèchent la nappe phréatique à un rythme qui en inquiète plusieurs. C’est un peu comme un travailleur qui perd son emploi, mais qui utilise ses économies pour maintenir son train de vie. Le risque de tout vider est bien réel.

Des plants de tomates s'étendent à perte de vue.

Photo : Yanik Dumont Baron

 

Il ne faut toutefois pas penser que les agriculteurs gaspillent l’eau. Du moins, une bonne partie fait très attention. Le prix élevé de l’eau et les progrès technologiques ont aidé.

La méthode d’irrigation au goutte-à-goutte semble maintenant la norme. Les tuyaux noirs qui abreuvent les plantes sont souvent cachés sous les sillons, afin de réduire l’évaporation. L’informatique et la science permettent de calculer la quantité précise d’eau nécessaire pour chaque plant. Et un fermier peut être rapidement alerté lorsque ses capteurs détectent une fuite d’eau dans les tuyaux.

Une plantation d'amandiers. Ces arbres fruitiers ont un grand besoin d'eau.

Photo : Yanik Dumont Baron

 

La soif des amandiers

En Californie, le secteur agricole utilise plus des trois quarts de l’eau disponible à la consommation. La donnée fait sursauter, surtout quand on pense qu’il y a près de 40 millions d’habitants dans l’État!

Dans l’économie agricole, la production d’amandes occupe une place grandissante. Mais la sécheresse a donné à la noix une mauvaise réputation. C’est l'une des cultures qui consomment le plus d’eau, mais c’est aussi l’une des cultures les plus rentables. Pour les cultivateurs, l’amande permet d’absorber les prix élevés de l’eau et de faire pousser des fruits moins payants.

Cependant, pour bien des citadins, l’amande symbolise l’urgence de repenser ce qui pousse en Californie. Du riz? Du bétail? D’autres régions du monde peuvent le faire, non? Mais pas question de se défaire des amandiers, lance le fermier Joe Del Bosque. Ou encore d’imposer des réductions de la production agricole.

« Nous pensons que la solution, c’est plutôt d’ajouter des réservoirs d’eau. On s’attend à des années avec beaucoup de pluie; il faudrait emmagasiner de l’eau pour nous aider à passer au travers des années de sécheresse. » – Joe Del Bosque

Ces ouvriers plantent des semis de melon d'eau.

Photo : Yanik Dumont Baron

 

Sur les terres de Joe Del Bosque, on teste aussi une nouvelle méthode pour la culture des melons d’eau. Les semis, qui ont germé en serre, sont plantés au centre de la bâche de plastique noire. C’est une barrière pour prévenir l’évaporation.

Sur cette ferme, le tiers de la terre est en jachère. Il y a donc moins d’entretien et moins de récoltes pour les ouvriers. Ces journaliers gagnent une centaine de dollars pour une dizaine d’heures d’un travail manuel difficile, sous un soleil bien fort.

« Vous êtes touchés par la sécheresse? Nous pouvons vous aider », peut-on lire sur cette affiche.

Photo : Yanik Dumont Baron

 

Ceux qui sèment, entretiennent et récoltent nos cantaloups, nos asperges et nos cerises sont les plus touchés par la sécheresse. Ce sont souvent des hispanophones peu éduqués. Parfois des sans-papiers qui dépendent d’un travail journalier pour faire vivre une famille nombreuse.

Une partie de Central Valley fait d’ailleurs penser aux régions pauvres d’Amérique latine. Dans certaines villes, à peu près tout le monde est hispanique. Plusieurs ne parlent pas l’anglais. À la radio, une partie des programmes est en espagnol seulement.

Rafik Saït, propriétaire d'un dépanneur à Huron

Photo : Yanik Dumont Baron

 

Originaire du Yémen, Rafik Saït a donc dû apprendre un peu d’espagnol pour servir les clients à son dépanneur de Huron, une petite ville au cœur de Central Valley. Tout le monde l’appelle Sammy, et beaucoup lui demandent de lui faire crédit. Parfois pour quelques dollars. Parfois pour quelques sous.

Un homme visiblement usé par le travail aux champs met trois billets fripés de 1 $ et 16 cents sur le comptoir. Il marmonne une excuse en montrant une petite bouteille d’alcool. Sammy le laisse partir, en haussant les épaules. « Qu’est-ce que je peux faire d’autre? C’est tout ce qu’il a », lance-t-il. En fait, il lui manquait 34 cents.

Une longue file d'attente pour obtenir de la nourriture gratuitement

Photo : Yanik Dumont Baron

 

Ce qui était occasionnel est devenu un rituel hebdomadaire à Huron : la distribution de nourriture. C’est le Drought Relief, une aide d’urgence liée à la sécheresse.

Les plus vaillants arrivent au milieu de la nuit pour s’assurer une bonne place en file. Cette fois, plus de 200 familles recevront du pain, des conserves, du jus, et des fruits et légumes frais. « Je viens chaque fois », explique une dame. Elle n’a plus de travail; son mari en a trouvé un à deux heures de route. La chambre qu’il doit louer là-bas pèse lourd dans le maigre budget familial.

Albertina Hernandez n'arrive pas à trouver un emploi.

Photo : Yanik Dumont Baron

 

À contrecœur, Albertina Hernandez va aussi chercher de la nourriture gratuite. Son mari a bien un emploi dans un hôtel de la région, mais elle ne trouve rien. Avec tristesse, elle parle de ceux qui se regroupent à la station d’essence de Huron, le point de rendez-vous avec ceux qui cherchent des journaliers.

« Ils partent tôt, mais ils reviennent tout tristes, avec leur petit sac à dos. Il n’y a pas de travail. Tout est sec. C’est difficile, cette crise. » – Albertina Hernandez

Sans pouvoir les compter, Albertina en connaît qui ont quitté Central Valley pour d’autres régions de la Californie, pour d’autres États.

Le parterre et la maison de la mairesse de Huron, Sylvia Chavez

Photo : Yanik Dumont Baron

 

Arroser les gazons? Pas question!

Il y a une autre crise qui frappe la petite ville de Huron : l’eau pourrait bientôt manquer dans les robinets. La Ville a ordonné une réduction du quart de la consommation l’an passé, une bonne année avant que le gouverneur n’impose des restrictions à tous les Californiens.

La mairesse, Sylvia Chavez, a donné l’exemple en abandonnant son gazon. Le gazon sera probablement arraché. Dans la douche, l’eau froide qui s’écoule avant l'eau chaude est utilisée pour arroser les plantes. Des policiers patrouillent de nuit à la recherche de tricheurs, qui arrosent en douce leur parterre ou leurs arbustes.

« Nous leur donnons un avertissement plutôt qu’une amende. Nous voulons les aider; certains n’ont pas d’emploi », explique Sylvia Chavez

La petite ville de Huron, située au coeur de Central Valley

Photo : Yanik Dumont Baron

 

Mais ces sacrifices pourraient ne pas suffire. Huron a failli manquer d'eau. Il a fallu une aide d'urgence de dernière minute pour garantir que les robinets ne soient pas à sec le mois prochain. Sans cette aide, il aurait fallu faire venir une trentaine de camions-citernes chaque jour pour répondre aux besoins de base des 7000 habitants. Une entreprise risquée; l'an dernier, la Ville n'a pas trouvé d'eau sur les marchés. Le peu qui était à vendre était hors de prix.

« Ça m'empêche de dormir », avoue la mairesse. Sylvia Chavez s'inquiète pour ses résidents. Elle craint aussi que le problème d'eau ne signale la mort lente de la ville.

« Le problème immédiat, c'est l'eau potable. Après, ce sont les fermiers qui n'ont pas d'eau et le travail qu'ils ne peuvent offrir. C'est ça le deuxième problème; le chômage, la pauvreté. » – Sylvia Chavez

Une partie des installations de Huron sont à l'abandon, comme les hangars pour faire refroidir les fruits et légumes ou les entrepôts pour l'emballage et l'expédition vers les marchés.

Photo : Yanik Dumont Baron

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Commenter cet article
J
C'est en l'air qu'il faut regarder les photos de cet article.. Chemtrails = manipulation climatique.. <br /> Chez nous c'est idem.. Soleil carrément Brulant au mois de mai. <br /> Sur meteo France, le sigle ciel voilé = chemtrail pour le lendemain.. Verifiez
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A
La faute a la geo ingenierie en utilisant les avions pour balancer des produits chmiques taper chemtrails
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P
Et le paillage, le brf, l'agroforesterie ? On peut cultiver en arrosant peu ou pas ... et pour faire pleuvoir il faut des forêts ... alors plantez des arbres les californiens !
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L
Ils s'imaginaient quoi, que cela allait durer éternellement...mauvaise gestion= catastrophes prévisibles.
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