La visite de Bruno Le Maire au Kazakhstan fin juillet a permis de débloquer la mise en exploitation d’un gisement d’uranium par la multinationale française de l’uranium, Orano, qui recouvre une zone boisée protégée de 366 hectares. Le ministre des Finances français se serait rendu à Nur-Sultan principalement pour débloquer l’autorisation de couper cette forêt de saxaoul et démarrer l’exploitation de cet uranium stratégique pour la France.
On en apprend plus sur les raisons de la visite de Bruno Le Maire au Kazakhstan en juillet dernier. Selon le service de presse d’Orano (ex-Areva) contacté par Novastan, la visite du ministre français des Finances à Nur-Sultan le 30 juillet dernier a servi à conforter l’avenir de l’approvisionnement d’uranium pour les réacteurs nucléaires français depuis le Kazakhstan. De fait, les autorités kazakhes ont publié le 31 juillet dernier un décret autorisant l’extraction sur une nouvelle zone de la licence minière d’Orano.
Pour exploiter ce gisement, le géant français du nucléaire doit couper une forêt de 366 hectares de saxaoul, une plante endémique menacée et qui fait l’objet d’une interdiction de coupe au Kazakhstan. La visite du ministre français a permis d’obtenir, moyennant compensation, l’autorisation de « nettoyage » de la forêt. Selon les sources au gouvernement français du Figaro, la visite de Bruno Le Maire a permis de faire signer et publier ce décret en réglant des « tracasseries administratives ».
Ce décret, qui permet in fine l’approvisionnement en uranium de la France tout en assurant la santé économique d’Orano dans les décennies à venir, semble avoir été la motivation première de la visite du ministre français. Peu importe qu’il faille pour cela couper une forêt d’une plante en danger.
Un gisement à la place d’une forêt protégée
Cette opposition entre plante protégée et exploitation d’uranium est à l’origine de ces « tracasseries administratives ». De fait, le gisement qu’Orano a souhaité mettre en production est situé sur une « zone forestière », qui était sous la protection de l’entreprise publique régionale en charge des forêts du district de Suzak, dans le sud du Kazakhstan. Alors que le service de presse d’Orano a mentionné un « permis foncier » à Novastan, le décret du gouvernement kazakh signé et publié le 31 juillet dernier porte sur le « déclassement de parcelles du fond forestier (…) pour l’extraction d’uranium ».
Les quelques 366 hectares de forêts qui vont être « nettoyés » sont situés sur la parcelle de Mouyounkoum (Muyunkum), situé dans le désert éponyme du sud du Kazakhstan. Une région boisée d’un arbre en disparition dans le pays. La parcelle est exploitée par Orano à travers une co-entreprise avec l’entreprise nationale kazakhe Kazatomprom, KATCO. Orano en possède 51% contre 49% pour Kazatomprom.
Dans les faits, la multinationale française avait déjà obtenu le droit d’exploiter ce gisement par un décret daté d’octobre 2018, mais celui-ci précisait la nécessité de conserver la forêt de saxaoul, empêchant la mise en exploitation.
Comme l’a précisé Orano à Novastan, bien que la méthode d’extraction de lixiviation in situ utilisée sur ce site ne nécessite pas de créer une mine à ciel ouvert, « il est nécessaire d’entreprendre des travaux de nivellement qui impliquent de couper les saxaouls ». La technique d’extraction par lixiviation in situ est controversée notamment aux Etats-Unis, polluant les nappes phréatiques et délaissant de nombreuses boues toxiques difficilement nettoyables. De son côté, Orano a affirmé à Novastan que cette technique « présente des avantages environnementaux par rapport aux méthodes traditionnelles ». Selon le site web d’Orano, cette technique est surtout très « économique« .
Orano a également confirmé à Novastan que le décret prévoit le versement d’une compensation financière à la destruction de la zone forestière, et qu’Orano s’était engagé à la revégétalisation à la fin des opérations en replantant les saxaouls. Orano n’a pas précisé le montant réglé. Les administrations kazakhes en charge des forêts n’ont pas répondu à nos sollicitations.
Le saxaoul : le seul arbre du désert
Depuis 2015, il est interdit de couper des saxaouls au Kazakhstan. « Le saxaoul est le seul arbre qui pousse dans les déserts kazakhs et qui ne demande pas des apport en eau et en nutriments spécifiques », a affirmé le chef des gardes-forestiers de la région kazakhe de Kyzylorda, Rau Aralbaïev, cité par le journal kazakh Kursiv.kz. « Le couper, c’est endommager l’environnement de notre région » poursuit-il, expliquant que sa disparition actuelle est due « à la demande forte pour l’utiliser comme bois de chauffage, ou de cuisine ». Les forêts de saxaouls sont également menacées par les nombreux feux dans la steppe dus aux températures élevées et à la sécheresse durant l’été, mais surtout à l’activité humaine.
Le saxaoul est un arbre qui fait entre deux et neuf mètres de haut. Extrêmement résistant au chaud comme au froid, il peut également, grâce à ses racines qui peuvent atteindre jusqu’à 30 mètres de profondeur, capter des eaux des nappes phréatiques. Dans le même temps, le saxaoul fixe les dunes de sable, évitant érosion et surtout tempêtes de sable, deux problèmes de plus en plus pressants dans cette partie désertique d’Asie centrale.