Une hausse spectaculaire des températures devrait se produire ces prochains jours entre 20 et 30 km d'altitude au-dessus des régions polaires boréales. Il s'agit de ce que les spécialistes nomment le "sudden stratospheric warming" ou SSW pour les intimes.
Une stratosphère froide au-dessus de l'arctique pendant l'hiver
La stratosphère est cette couche de l'atmosphère située juste au-dessus de la troposphère. Elle s'étend de 12 à 50 km d'altitude. Durant l'hiver boréal, cette couche est froide au-dessus des régions arctiques avec des températures généralement comprises entre -50 et -80 degrés C. A noter aussi que sa frontière inférieure, la tropopause, est relativement étanche. Ainsi, l'air de la troposphère, qui est le siège des phénomènes météorologiques, vient rarement troubler celui de la stratosphère située juste au-dessus, avec toutefois quelques exceptions. De même, l'air stratosphérique fait rarement des incursions dans la troposphère, avec là aussi des exceptions.
Réchauffement brutal et inversion des vents
Durant l'hiver de l'hémisphère nord, la stratosphère au-dessus des régions arctiques est généralement très froide avec des températures comprises entre -50 et -80°C. Ce lobe de très basses températures est entouré par une ceinture de forts vents d'ouest nommée "vortex polaire". En deuxième partie d'hiver, un réchauffement plus ou moins marqué peut se manifester vers la fin janvier et en février, c'est le "sudden stratospheric warming" (SSW) ou "réchauffement stratosphérique soudain" en français. Lorsque ce réchauffement est puissant, il peut s'accompagner d'une inversion complète des vents, qui au lieu de souffler de l'ouest, vont s'orienter au secteur est.
Dans le cas qui nous intéresse, le développement de cette anomalie d'altitude a déjà débuté durant la journée de vendredi et devrait rapidement prendre de l'ampleur dans les 3 prochains jours. Un réchauffement de plus de 60 degrés va se manifester à haute altitude au-dessus de l'Arctique avec la rupture du lobe polaire en deux morceaux, l'un au-dessus de l'Europe, l'autre ves le nord-ouest du Pacifique.
SSW mineur et majeur
Un SSW se produit pratiquement durant chaque hiver dans l'hémisphère nord, mais à des degrés divers. Losqu'il est de faible intensité, il est considéré comme mineur alors qu'un SSW puissant et de forte ampleur est nommé "majeur". Les SSW majeurs se produisent environs tous les deux ans en moyenne. Par contre, l'hémisphère sud ne connait pratiquement pas ce genre de phénomène. L'épisode de SSW en cours de développement semble être de type majeur.
Ondes bloquées.
Mais quelle est la cause d'un SSW? Cette anomalie trouve son origine dans la basse atmosphère, c'est-à-dire la troposphère, là où se produit l'essentiel des phénomènes météorologiques. A nos latitudes, le flux général d'ouest est animé d'ondes de grande ampleur, ce sont les ondes de Rossby. Ces ondes ont un mouvement général vers l'est et sont responsables de l'alternance haute pression/basse pression et temps chaud/temps froid. Pendant la saison d'hiver, ces ondes voient parfois leur progression bloquée en direction de l'est par des structures anticycloniques, notamment sur les régions continentales froides. De ce fait, l'onde de Rossby ne pouvant pas progresser vers l'est, elle ne peut se propager qu'en altitude, jusque dans la stratosphère. L'absence de grandes surfaces continentales dans l'hémisphère sud explique ainsi la rareté du phénomène SSW dans cette partie du Monde.
Vagues de froid possibles, mais pas toujours...
L'effet d'un SSW ne se limite pas toujours à la stratosphère. Lorsqu'il est fort, donc majeur, il est en mesure de descendre vers la troposphère, perturber de manière significative le régime des vents d'ouest et éventuellement déboucher sur une vague de froid. Le processus de "descente" est lent, aléatoire et peut prendre plusieurs semaines. Lorsque l'on examine les épisodes froids marquants sur l'Europe occidentale, l'on constate que les vagues de froid faisant suite à un SSW majeur représentent environ la moitié de tous les épisodes froids et aussi que certains SSW majeurs n'ont pas abouti à des perturbations notables dans la troposphère au niveau de l'Europe occidentale. A ce stade, il est donc prématuré d'affirmer qu'une vague de froid significative se profile pour les semaines à venir, mais il sera intéressant de suivre la situation ces prochains jours en surveillant la formation et l'ampleur de l'anomalie d'altitude ainsi que sa possible descente dans la troposphère dans les semaines à venir.