Que peut-il bien se passer autour de l'étoile KIC 8462852, située à près de 1.500 années-lumière de la Terre ? Depuis sa découverte annoncée en septembre 2015, celle qui a été surnommée l'étoile de Tabby, en référence à sa codécouvreuse Tabetha Boyajian, s'est taillée une réputation d'« étoile la plus mystérieuse de la Galaxie ». En cause, ses changements de luminosité importants et irréguliers qui demeurent inexpliqués. Débusquée par le télescope Kepler, satellite-chasseur d'exoplanètes très sensible à la moindre baisse de luminosité des étoiles qu'il surveillait alors en direction de la constellation du Cygne, elle continue d'intriguer. De mémoire d'astronome, on n'avait jamais vu pareil comportement erratique d'une étoile de ce type.
Depuis plus de quinze mois, les études de ce cas sans équivalent se succèdent et à chaque fois, c'est le même constat, KIC 8462852 est de plus en plus mystérieuse. Tous les scénarios ont été envisagés, de l'obstruction de sa lumière par un essaim de comètes à celui -- moins naturel -- d'une mégastructure l'enveloppant (de type sphère de Dyson). Mais aucun n'a vraiment su convaincre les chercheurs jusqu'ici. Pour combien de temps encore, KIC 8462852 va-t-elle garder ses secrets ?
L'étoile de Tabby vit-elle une crise ?
Pour une équipe de chercheurs qui a récemment mené l'enquête, les variations de luminosité que présente depuis au moins la fin du XIXe siècle KIC 8462852 ne sont sans doute pas imputables à une construction d'une civilisation extraterrestre. Dans leur étude qui vient de paraître dans The Physical Review Letters, ils proposent d'en chercher l'origine au sein de l'étoile elle-même et de son activité interne. L'étoile serait instable et sa luminosité aussi.
Les auteurs ont analysé le spectre des grandes et des petites variations de luminosité, c'est-à-dire leurs fréquences d'apparition au fil du temps. Selon eux, ces fluctuations se ressemblent beaucoup à différentes échelles de durées. Ils expliquent que le modèle mathématique qui décrit le mieux ces variations est le même que celui... des avalanches. Dans ce cas, il y a deux valeurs, expliquent-ils : la dimension de la surface de neige concernée et la durée de l'évènement. Assimilez la première à la chute de luminosité et la seconde au temps qu'elle dure et vous obtenez des fonctionnements analogues. En fait, ces « statistiques d'avalanches » se retrouvent dans de nombreux phénomènes naturels, des tempêtes solaires à l'activité neuronale du cerveau.
Leur point commun est qu'ils concernent des systèmes en déséquilibre se trouvant très près d'une transition de phase, quand un solide devient liquide, par exemple. Karin Dahmen, astrophysicienne à l'université de l'Illinois à Urbana-Champaign, et qui fait partie des auteurs, en donne un autre : « la déformation lente des matériaux un peu fragiles où un premier petit crépitement devient de plus en plus fort jusqu'à ce qu'il y ait un grand clac quand le matériel se brise. Les petits évènements dans notre étoile pourraient être les petits craquements, tandis que les plus grands pourraient être analogues au grand claquement ».
En somme, KIC 8462852 est peut-être une étoile très active avec des explosions massives qui occultent arbitrairement une partie de sa lumière. Un cas très rare qui n'avait jamais été observé et a pu induire en erreur, pensent les auteurs. Il est encore trop tôt pour conclure que le mystère est élucidé. Rendez-vous dans le prochain épisode de ce feuilleton passionnant...