Le Fentanyl fait des ravages aux États-Unis et au Canada. Cet antidouleur ultra-puissant, à l’origine notamment du décès de du chanteur Prince, est la cause d’un nombre croissant d’overdoses outre-Atlantique.
Selon le New York Times, le nombre de décès à cause de cette drogue a explosé entre 2012 et 2014. Des laboratoires de la police scientifique ont recensé 618 cas d’overdoses en 2012 contre 14 000, il y a deux ans. Une forte hausse qui inquiète les autorités américaines.
La mortalité associée à la consommation de Fentanyl grimpe également en flèche au Canada. 238 décès ont été recensés depuis le début de l’année dans la région de Vancouver. Un nombre en hausse de 20 % par rapport à la même période en 2015.
Qu’est-ce que la Fentanyl ? « Il s’agit d’un opiacé, synthétisé pour la première fois en Belgique vers la fin des années 1950 et prescrit comme médicament antidouleur. Il est 40 fois plus puissant que l’héroïne et près de 100 fois plus puissant que la morphine, explique Muriel Grégoire, médecin addictologue, psychiatre et responsable de l’hospitalisation à l’hôpital Marmottan, spécialisé dans la prise en charge des addictions à Paris. Cet antidouleur est souvent prescrit pour des durées courtes dans certains cancers ou après des opérations lourdes. »
Appelé la Chinoise blanche ou TNT dans la rue, cet antidouleur circule clandestinement depuis les années 1960 sous forme de cachets. Il est régulièrement utilisé en complément de l’héroïne. Une seule dose peut être létale pour le consommateur.
Pour faire face à la situation, les forces de l’ordre canadiennes sont dorénavant équipées de Naxolone : un médicament qui, sous forme de spray nasal, permet de stopper les effets des médicaments de la famille de la morphine à court terme. Les Canadiens y ont accès sans ordonnance.
Et qu’en est-il en France et en Europe ? « En France, si elle est en hausse, la situation n’est pas encore comparable à celle des États-Unis, ajoute le médecin. La législation sur les médicaments est différente dans l’Hexagone. On ne peut prescrire de la même façon. » Certaines dépendances apparaissent depuis quelques années. Notamment à l’oxycodone, un autre opiacé. « Les drogues de cette famille sont d’ailleurs parfois vendues pour de l’héroïne, et sont source de nombreuses overdoses. Elles sont également utilisées pour couper de l’héroïne de mauvaise qualité. »
Sur le Vieux Continent, l’héroïne reste cependant l’opiacé le plus consommé. Ceux de synthèse sont de plus en plus détournés de leur usage initial comme le Fentanyl, la méthadone, le buprénorphine haut dosage, la codéine, la morphine, le tramadol et l’oxycodone. D’après le dernier rapport annuel de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, le Fentanyl est notamment signalé en Estonie. Dans ce pays, la majorité des patients admis en traitement citent cette substance psychotrope comme la drogue leur posant le plus de problèmes. Tandis qu’en Finlande et en République tchèque, le buprénorphine haut dosage était l’opiacé le plus fréquemment détourné.
« La Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes est alertée sur ces ravages outre-Atlantique, insiste Muriel Grégoire, membre de la commission de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Les États-Unis sont souvent en avance par rapport à l’Europe et nous y sommes vigilants. Il ne s’agit pas de stopper les prescriptions de ces antidouleur mais comment les accompagner. »