Le clash entre le pape François et Donald Trump Le clash entre le pape François et Donald Trump passe par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Après avoir boxé l’évêque de Rome, le milliardaire candidat fait chattemite
C’est le pape François qui a commencé: dans l’avion qui le ramenait du Mexique à Rome, dans l’un de ces entretiens à bâtons rompus avec les journalistes qui l’accompagnent et dont il a le secret, il a durement taclé le bouillant candidat républicain à l’investiture.
L’agence France Presse, qui relate le départ de feu en donne le récit suivant: «Le pape François s’est immiscé jeudi avec fracas dans la campagne présidentielle américaine en jugeant que le favori du camp républicain, Donald Trump, n’était «pas chrétien». «Une personne qui veut construire des murs et non des ponts n’est pas chrétienne», a lancé le pape François, dans l’avion qui le ramenait du Mexique, en réponse à la question d’un journaliste sur les positions anti-immigrés du candidat à la primaire républicaine. Jorge Bergoglio a certes affirmé qu’il n’était évidemment pas question pour lui de s’ingérer dans la campagne présidentielle, mais la réaction du milliardaire américain a été immédiate. «Qu’un leader religieux mette en doute la foi d’une personne est honteux», a indiqué Donald Trump dans un communiqué. «Ce n’est pas dans l’Evangile. Voter, ne pas voter, je ne m’immisce pas. Mais je dis seulement: ce n’est pas chrétien», a affirmé le pontife argentin. Au journaliste qui lui rapportait les déclarations de Donald Trump, jugeant qu’il faisait de la politique, le pape François a ironisé: «Grâce à Dieu, il a dit que j’étais un politique, car Aristote a défini l’homme comme animal politicus, au moins je suis un homme!»
Le Monde commente: «Le ton monte entre le pape François et Donald Trump». Il ajoute: «[…] le pape François a provoqué une tempête politique aux Etats-Unis. La réaction du magnat de l’immobilier, souvent tourné en ironie par ses rivaux républicains les plus conservateurs à propos d’un regain de religiosité qui coïncide avec la campagne des primaires, a été immédiate. «Qu’un responsable religieux mette en doute la foi d’une personne est honteux», a-t-il protesté dans un communiqué. «Je suis fier d’être chrétien et, en tant que président, je ne permettrai pas que la chrétienté soit constamment attaquée et affaiblie.» M. Trump avait déjà estimé que «le pape est quelqu’un de très politique» et qu’«il ne comprend pas les problèmes de notre pays». «Je ne suis pas sûr qu’il mesure le danger que représente [pour les États-Unis] cette frontière ouverte avec le Mexique», a-t-il souligné».
«Honteux», donc, pour Donald Trump qu’un religieux mette en cause la foi d’un quidam, ou plutôt, pour reprendre son vocabulaire fleuri en anglais, «disgraceful». Le New York Time remarque: «Il est rare que les politiciens réprimandent ainsi le Vatican si violemment par peur de s’aliéner le vote des catholiques». Mais il précise aussitôt que la contre-offensive violente de Donald Trump peut tout aussi bien ressortir à un calcul politique: en Caroline du Sud, où la primaire républicaine se tient samedi, les deux tiers des habitants étant protestants. Il n’empêche, le New York Time ne peut retenir une pointe sinon d’admiration, du moins d’amusement en constatant: «Il n’empêche, le spectacle du flamboyant homme d’affaires milliardaires tenant tête au leader global de 1,2 milliard de catholiques est le marqueur le plus révélateur de l’instinct émotionnel d’un homme qui n’hésite pas à frapper comme sur un punching-ball tous ceux qui lui font obstacle, que ce soit le sénateur du Texas ou l’évêque de Rome».
Du côté de la presse populaire anglo-saxonne ont ne fait pas dans le demi-mesure, à l’image du Daily-News qui suggère dans un jeu de mots que Donald Trump, pour le pape, c’est l’Antéchrist:
An early look at tomorrow's front page:
— New York Daily News (@NYDailyNews) 19 Février 2016
ANTICHRIST! Pope calls out hateful Trump -https://t.co/UYXa4GXKx0 pic.twitter.com/jcD2blddZ8
Après toute cette vaisselle cassée entre Rome et Trump, ce dernier a tenté de calmer un peu le jeu. Tandis que l’Agence France Presse rappelait, reprenant une citation du Vatican, que le pape ne parlait pas en homme politique, mais en homme de foi, elle remarquait que Donald Trump, lui, faisait mine de rétropédaler avec bienveillance en affirmant que le pape était «un type formidable». «Je n’aime pas me battre avec le pape», a-t-il dit lors d’une émission sur CNN jeudi soir, assurant que les propos du souverain pontife avaient été mal interprétés, et que François ignorait la réalité des trafics à la frontière entre Etats-Unis et Mexique. Commentaire de l’Agence: «Donald Trump est familier de ce type de retournements à 180 degrés. Depuis le début de la campagne, il répond systématiquement aux attaques afin de prouver sa poigne; mais il n’a aucun scrupule à relativiser ensuite une déclaration explosive, une fois l’effet cherché obtenu, afin de se couvrir». Ce qui s'appelle faire chattemite.
Bref, on n’a pas fini de mesurer sur la girouette d’où vient le vent.