La théorie de l'évolution des étoiles va sans doute devoir être quelque peu révisée par une étonnante découverte du télescope spatial Kepler : de nombreuses étoiles plus massives que le Soleil, même légèrement, possèdent un puissant champ magnétique interne. Son influence sur le fonctionnement de l'astre ne peut qu'être importante. De quoi modifier notre vision des étoiles...
Cette vue d'artiste montre le satellite Kepler, de la Nasa, en train de chasser des exoplanètes par la méthode du transit planétaire. Cet instrument spatial peut aussi étudier les variations de luminosité des étoiles causées par les ondes qui les parcourent : c'est la sismologie stellaire, ou astérosismologie. © Nasa, W Stenzel
L’étude du champ magnétique de la Terre et bien plus encore des ondes sismiques ont permis de pénétrer à l’intérieur de notre planète, d’en comprendre la structure et même l’histoire. Les astrophysiciens se sont aussi intéressés à la structure interne des étoiles et à leur évolution. Depuis quelques décennies, ils ont développé l’astérosismologie, laquelle prend aussi le nom d’héliosismologie quand il s’agit du Soleil.
L’idée de cette sismologie stellaire est simple. Les étoiles, notamment parce qu’elles sont le lieu de mouvements de convection internes, doivent être parcourues par des ondes générées en profondeur. En arrivant en surface, ces ondes, qui sont de différents types, la font vibrer, ce qui se traduit par des modifications de la lumière émise, que ce soit au niveau du spectre par effet Doppler ou simplement de son intensité. En décodant ces variations, on peut en déduire la forme de ces ondes, en résolvant ce que les géophysiciens appellent un problème inverse, c'est-à-dire remonter aux causes d'un phénomène observé. Le but final est d'obtenir des informations sur l’intérieur des étoiles.
La taille des étoiles ne croît pas linéairement avec leur masse. Celle-ci est de toute façon modifiée quand elles deviennent par exemple des géantes rouges (red giant en anglais). Il semble maintenant que, contrairement au Soleil, des étoiles plus massives que lui, même légèrement (ici des géantes rouges), abritent un cœur baignant dans un puissant champ magnétique. © University of Sydney
La taille des étoiles ne croît pas linéairement avec leur masse. Celle-ci est de toute façon modifiée quand elles deviennent par exemple des géantes rouges (red giant en anglais). Il semble maintenant que, contrairement au Soleil, des étoiles plus massives que lui, même légèrement (ici des géantes rouges), abritent un cœur baignant dans un puissant champ magnétique. © University of Sydney
60 % des étoiles posséderaient un champ magnétique interne intense
Tout comme le satellite européen Corot, Kepler, de la Nasa, est aussi un instrument d'astérosismologie. Il y a quelque temps, les données obtenues par les astrophysiciens avaient déjà permis de découvrir qu’il existait de puissants champs magnétiques à l’intérieur de certaines géantes rouges. Les chercheurs ont poursuivi leurs investigations, comme ils l’expliquent dans un article paru dans le journal Nature et en accès libre sur arXiv. Ils ont ainsi étudié environ 700 géantes rouges.
Il s’est avéré que, contrairement à ce que l’on pensait depuis longtemps, les champs magnétiques importants ne sont pas rares dans les étoiles. On savait que des dynamos autoexcitatrices, comme celle à l’origine du champ magnétique de la Terre, simulée avec l’expérience VKS, devaient exister à l’intérieur des étoiles. Ils sont observés depuis longtemps au sein des atmosphères des étoiles. Mais la communauté scientifique n’avait pas envisagé que des champs magnétiques jusqu’à 10 millions de fois supérieurs en intensité à celui de notre planète puissent être fréquents à l’intérieur d’étoiles à peine plus massives que notre Soleil.
Selon cette étude, de tels champs seraient présents dans environ 60 % des étoiles. Or ils peuvent influer sur les processus se déroulant dans le cœur de ces astres, là où se produisent les réactions thermonucléaires. Il faut donc désormais, vraisemblablement, prendre en compte leur existence dans les études de l'évolution stellaire. Plus encore, comme ces champs affectent le destin des étoiles, cela doit influer aussi sur l’évolution chimique des galaxies puisque c’est dans le cœur des étoiles que se produisent les réactions de nucléosynthèse conduisant à la fabrication de noyaux lourds comme le carbone, l’oxygène, l’azote ou le fer.
L’existence de ces champs magnétiques met aussi à notre disposition une sorte de laboratoire naturel pour faire varier les conditions physiques qui les génèrent au sein des étoiles. Ce laboratoire pourrait nous permettre de mieux comprendre ce qui se passe dans le Soleil avec son cycle magnétique de 22 ans, toujours incompris.