Une espèce hybride prolifère au nord du continent américain: née du mélange entre le coyote, le loup et le chien, le "coyloup" se montre si résistant qu'il se compte désormais par millions.
Ce n'est pas un mystère: les loups qui vivent en Ontario, la région la plus peuplée du Canada, manquent cruellement de partenaires sexuels, et ce depuis 100 ou 200 ans. Une situation durable qui les a conduits à s'accoupler... avec des coyotes et des chiens. Ces usages sexuels poussés par un instinct de préservation, très largement répandus, ont conduit petit à petit à la création d'une nouvelle espèce surnommée "coywolf" (ou, en français, "coyloup"). C'est ce que rapporte The Economist.
Comment en sont-ils arrivés là? On ne sait pas exactement, sinon que les loups ont dû baisser leur niveau d'exigence dans le choix d'un partenaire .
Les loups canadiens et nord-américains ont souffert de la déforestation. Les bois étant rasés pour implanter, à la place, des cultures et de l'élevage, leur environnement naturel s'est vu progressivement réduit. Dans le même temps, la disparition des arbres a attiré les coyotes des plaines et l'homme a amené avec lui les chiens. Voilà comment les loups se sont vus cohabiter avec ses nouveaux voisins.
Mais cela ne suffit pas pour expliquer l'existence du coyloup. Le mélange des espèces animales est rarement une réussite: la plupart du temps, cela donne naissance à des hybrides moins vigoureux que leurs parents, quand ils survivent. De plus, ils ne peuvent généralement pas se reproduire eux-mêmes.
Mais la combinaison des ADN du loup, du chien et du coyote a donné un résultat exceptionnellement robuste: un dixième de chien, un quart de loup et le reste de coyote, voilà une recette qui fonctionne. Une exception qui a abouti à la prolifération de ces animaux, on estime leur population, aujourd'hui, à plusieurs millions. Leur évolution a ainsi été plus rapide que la plupart de celles connues par les biologistes.
L'ADN des loups et des chiens donnent au coyloup quelques avantages sur les coyotes non customisés: avec leurs mâchoires plus larges, une masse musculaire plus importante et des pattes plus véloces, ils peuvent abattre sans problème un daim. Une meute peut même venir à bout d'un élan. L'animal est aussi efficace en plaine qu'en forêt, alors que le coyote n'est pas du tout à l'aise en milieu boisé.
Moins intolérant au bruit et à la foule, le coyloup est même plus adapté à la vie en ville que ses trois ancêtres: on estime à une vingtaine le nombre de ces animaux en goguette dans les rues et voies ferrées de New York. Un prédateur très sérieux pour les écureuils et les chats qui sont dévorés tels quels, les os broyés par leur puissante mâchoire.
Pour vivre en ville, ces animaux sont devenus nocturnes et ont même appris le code de la route: les chercheurs qui les observent les ont surpris à regarder à gauche et à droite avant de traverser une route.
Le débat qui agite actuellement les biologistes est de savoir s'il s'agit bien d'une nouvelle "espèce". Les différences génétiques entre loups, chiens et coyotes sont-elles suffisantes pour que l'on puisse considérer ce mélange comme une espèce distincte? Une histoire qui rappelle la part d'hybridation qui est à l'origine d'une autre espèce: l'homo sapiens.

Olivier LAFFARGUE
Journaliste, Rédacteur photo