On commence enfin à reconnaître les maladies professionnelles des agriculteurs en voici la preuve. En mai dernier, un décret est entré en vigueur reconnaissant la maladie de Parkinson comme maladie professionnelle et il établit clairement un lien de causalité entre Parkinson – qui est la deuxième maladie neurodégénérative en France après la maladie d’Alzheimer – et l’utilisation des pesticides.
Dans l’agriculture, où régnait jusqu’ici la loi du silence, on commence seulement à prendre conscience des effets des pesticides sur la santé des agriculteurs . En février dernier , la victoire d’un céréaliculteur charentais, Paul François, qui avait attaqué le géant américain Monsanto, a constitué une première en France. Monsanto a été responsable de l’intoxication de l’agriculteur par les vapeurs d’un de ses herbicides, le Lasso – supprimé du marché en 2007 en France,alors qu’on savait qu’il était dangereux depuis plus de vingt ans.
Quelques jours après, ce sont plusieurs dizaines d’exploitants qui ont manifesté au Salon de l’agriculture, devant le stand de l’Union des industriels de la protection des plantes. Leurs revendications : classer les affections liées à l’usage des pesticides en maladies professionnelles et supprimer les produits dangereux.
Le 30 avril, c’est une autre décision, celle de la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction (Civi) d’Epinal, qui est venue apporter son aide: ce jour-là, l’Etat a été condamné à indemniser un agriculteur céréalier de Meurthe-et-Moselle qui souffrait d’unsyndrome myéloprolifératif. D’abord classée comme maladie professionnelle, la pathologie est alors associée par la Civi à l’utilisation de produits qui contiennent notamment du benzène.
UN DÉCRET « TRÈS ATTENDU »
Dans ce milieu qui évolue lentement, le décret qui concerne la reconnaissance de la maladie de Parkinson était donc « très attendu », écrit Guillaume Petit. L’agriculteur fait partie l’association Phyto-victimes, créée en mars 2011, et avec laquelle Paul François a, l’un des premiers à oser attaquer Monsanto. Il a dû attendre quatre ans avant qu’on reconnaisse sa maladie comme maladie professionnelle. « Combien voient leur demande refusée ? Combien aussi y renoncent, devant la difficulté ? », interrogeait-il lors de la création de cette association.
L’entrée de la maladie de Parkinson dans les tableaux des maladies professionnelles du régime agricole simplifiera ainsi les démarches pour les agriculteurs chez qui cette maladie aura été déclarée moins d’un an après l’utilisation de pesticides – le texte ne donne pas de détails sur la liste. « C’est une reconnaissance officielle qui est, déjà, importante sur un plan symbolique, note Guillaume Petit. Mais c’est également le moyen, pour l’agriculteur, d’être pris en charge financièrement, en fonction de son taux d’incapacité à poursuivre son travail. »
EN DIX ANS, ON A RECONNU CINQ MALADIES LIÉES AUX PESTICIDES
Jusqu’à maintenant, d’après Yves Cosset, médecin du travail national adjoint à la Mutuelle de la santé des agriculteurs (MSA), en dix ans on a signalé aux comités de reconnaissance des maladies professionnelles seulement vingt cas de Parkinson. Dix ont été acceptés, dix refusés. Au même moment, on a reconnu officiellement quatre ou cinq cas de maladies provoqués par les pesticides.
Au final, on reconnaît 4 900 pathologies tous les ans comme maladies professionnelles chez les agriculteurs. Mais plus de 90 % d’entre elles sont des TMS (troubles musculo-squelettiques), le reste des cas étant surtout liés aux animaux et à la poussière de bois ou d’amiante, d’après Yves Cosset.
Ainsi dans les maladies professionnelles du régime agricole, on trouve la maladie de Lyme – causée par les tiques –, le tétanos ou encore les hépatites. Mais également quelques pathologies liées aux pesticides. Depuis 1955,on cite en particulier l’arsenic, responsable de nombreuses affections – irritations, intoxications ou cancers. C’est également le cas du benzène, classé comme cancérogène certain, et le pentachlorophénol (PCP), interdit dans les pesticides depuis 2003.
Cependant, Yves Cosset rappelle que « ces tableaux évoluent au fur et à mesure des connaissances de la science. Cependant, la majorité des pathologies liées aux pesticides apparaissent de manière différée, dix, vingt, voire trente ans après le début de leur utilisation. Dans la médecine du travail, on a commencé à parler de l’amiante dans les années 1960, et ce produit n’a été mentionné dans ces tableaux qu’en 1998 pour les cancers. Il n’est donc pas exclu que d’autres pathologies émergent et soient reconnues dans les années à venir… »