Aucune étude ne montre le bénéfice de ce régime, à la popularité grandissante, chez les personnes ne souffrant pas de la maladie coeliaque
"Il n'existe aucune explication rationnelle, ni aucun bénéfice démontré chez des gens qui ne se plaignent de rien", résume le Pr Christophe Cellier, gastro-entérologue à l'Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP).
La situation est en revanche très différente pour les personnes qui souffrent de la maladie coeliaque ou "intolérance au gluten", qui détruit l'intestin grêle en entraînant des carences et une dénutrition. Dans certains cas exceptionnels, cette maladie autoimmune peut évoluer vers une forme de cancer rare mais grave, le lymphome de l'intestin grêle.
Le gluten est un mélange de protéines insolubles qui donnent du volume et de l'élasticité aux produits de boulangerie. On le trouve dans le blé, l'orge, l'avoine et le seigle, des céréales utilisées principalement dans le pain, les pâtisseries et les pâtes, mais également dans de nombreux plats préparés.
Connue depuis l'Antiquité, la maladie coeliaque toucherait aujourd'hui entre 0,5 et 1% de la population occidentale (entre 300.000 et 600.000 personnes en France), selon les estimations les plus courantes. La maladie peut se déclencher à n'importe quel moment de la vie et se manifester par des symptômes très divers : diarrhées chroniques, perte de poids, vomissements, fatigue, problèmes articulaires, neurologiques...
Elle peut aujourd'hui être décelée grâce à des tests fiables, mais 80% des personnes qui en souffrent "ne sont pas diagnostiquées et ne suivent pas un régime sans gluten qui est pourtant le seul traitement de leur maladie existant à ce jour", souligne le Pr Cellier.
Mais à côté de ces patients, un nombre croissant de personnes affirment aller mieux lorsqu'elles suivent un régime sans gluten. Estampillées "hypersensibles" au gluten, elles interpellent les chercheurs qui, jusqu'à présent, ont été incapables de prouver scientifiquement l'existence de cette "sensibilité".
Pour la plupart, il s'agirait d'un simple phénomène de mode.
Quant au nombre de personnes qui se disent sensibles au gluten, il ne cesse d'augmenter (jusqu'à 10% des Américains, selon un sondage), parallèlement à l'explosion des ventes de produits "gluten-free" dans les pays occidentaux ces dernières années.
Rien qu'en France, les ventes de ces produits en grande surface sont en pleine croissance : +29% en 2012, +32% en 2013 et +42% en 2014, selon la société d'études de marché Iri France.
Mais la vogue du sans gluten ne facilite pas la tâche des médecins appelés à diagnostiquer la maladie coeliaque, ni la vie des malades, comme l'explique le collège des médecins du Québec :
Enlever le gluten de son alimentation sans avoir consulté, c'est compromettre la possibilité de faire le test diagnostic de la maladie coeliaque"
Pour Catherine Remilleux-Rest, la vice présidente de l'association française des intolérants au gluten (Afdiag) qui organise un colloque sur le sujet samedi à Marseille, la fièvre anti-gluten est en train de "banaliser" la maladie coeliaque.
Un régime globalement sans danger
Elle mentionne le cas d'aliments présentés comme sans gluten dans certains restaurants, alors qu'ils sont en réalité "contaminés" et donc strictement interdits aux malades coeliaques, astreints à suivre un régime très contraignant à vie.
Elle regrette également que certains médecins généralistes proposent à leurs patients de faire un régime avant le test sanguin, "ce qui ne facilite pas le tri entre malades et non malades".
La bonne nouvelle, c'est que le régime sans gluten serait globalement sans danger. C'est notamment la position du Pr Cellier, qui rapporte avoir été contacté par la Fédération française de tennis pour se prononcer sur le sans gluten. Il précise toutefois qu'il ne faut pas l'associer à un autre régime et qu'il doit s'accompagner d'une alimentation variée et équilibrée.