La démocratie est un mot dangereux, car on l’utilise sans préciser le contenu sémantique variable qu’il recouvre.
Le gouvernement par le peuple. Qu’est-ce que le peuple? Est-ce l’ensemble des hommes qui habitent un même pays ? Est-ce le plus grand nombre? L’ensemble des individus gouvernés par une oligarchie ? La partie la moins aisée, la moins instruite d’une nation, et la moins instruite de quoi ?
Admettons que ce soit un peu tout cela à la fois, mais surtout le gouvernement par le plus grand nombre se dégageant des oligarchies. Il serait bien étonnant que les oligarchies gouvernent pour le peuple et non pour leur bien-être personnel d’abord. Mais quand bien même elles le feraient, c’est justement ce gouvernement, même pour son bien, que le peuple refuse aujourd’hui. Il ne veut déléguer son pouvoir à personne pour agir en sa faveur, ce en quoi on ne peut que le féliciter car l’histoire nous apprend que même dans les pays où la propriété privée des moyens de production a été supprimée, l’ignorance des bases biophysiologiques des comportements fait que tout bienfaiteur du peuple, s’il fait autre chose que de parler en son nom et se mêle d’agir, agira rapidement pour lui-même ou pour les concepts qu’il manipule et qui ne sont pas généralement ceux du commun, ceux du peuple.
Fusion encore du législatif (informatif) et de l’exécutif. Le peuple se trouve ainsi rapidement exploité par ceux qui possèdent « l’information » et qui s’en servent pour assurer leur «pouvoir». Mais puisque l’information est nécessaire à l’action efficace, comment le peuple peut-il agir puisqu’il est ou bien non informé, ou plus gravement encore, informé de façon unidimensionnelle, orientée de manière à maintenir les structures hiérarchiques et de domination, cela aussi bien en régimes capitalistes que socialistes existants.
Tant que les informations seront entre les mains de quelques-uns, que leur diffusion se fera de haut en bas, après filtrage, et qu’elles seront reçues à travers la grille imposée par ceux qui ne désirent pas, pour la satisfaction de leur dominance, que cette grille soit contestée ou qu’elle se transforme, la démocratie est un vain mot, la fausse monnaie du socialisme. »
Henri Laborit