C’est bon le jambon d’ailleurs tout le monde en mange. En 2012, les industriels, Herta, Fleury Michon et autres ont produit 206 millions de kilos. En France, on assure même 28% de la production européenne. Seulement voilà, il y a jambon et jambon. Comment distinguer un vrai jambon fermier d’un vague bloc de porc reconstitué ? Suivez le guide.
Si tout est bon dans le cochon, on ne peut pas en dire autant du jambon. Le jambon-beurre, objet gastronomique bleu-blanc-rouge vendu chaque jour à plus de 2,2 millions d’exemplaires, peut être simplement délicieux ou carrément abject. Et ce n’est pas la baguette qui est en cause dans l’histoire.
Lorsque le jambon est fermier, il vient de la cuisse d’un porcelet qui a grandi sur la paille, a tété sa mère et a mangé exclusivement de l’orge et autres céréales de l’exploitation. On a plongé la viande dans un saloir pendant une dizaine de jours. Dans ce bac, on a mis eau et sel. Parfois, on y a ajouté des épices, des aromates, du vin, des condiments… En sortant de son bain salé, la cuisse a enfilé une grande chaussette (une poche de toile plus proche des bas de contention que des collants résille) et est partie pour une douzaine d’heures de cuisson dans un four à vapeur. Enfin, on a laissé refroidir le jambon pendant 12 heures avant de le déguster.

La réglementation européenne autorise 1m2 de surface d’élevage aux porcs de plus de 110 kg et 0,15 m2 aux porcelets.
Vie de cochon. Ca c’est la version Miss Piggy de la fabrication du jambon. Dans 98% des élevages de cochons français, intensifs donc, la vie est moins rose. La réglementation européenne autorise scandaleusement 1m2 de surface d’élevage aux porcs de plus de 110 kg et 0,15 m2 aux porcelets. Résultat, les truies sont parquées dans des cages et nourrissent leurs petits à travers des grilles. Les porcelets sont gavés de maïs et de soja pour devenir gros et gras au plus vite. On leur lime les dents, on les castre et on coupe leur queue en tire-bouchon… Leur triste existence se termine dans une baratteuse.
Certains appellent ça une bétonnière tellement le procédé n’a plus grand chose à voir avec la production fermière. En gros, une fois que la bête revient de l’abattoir, on coupe les cuisses en deux et on jette le tout dans une baratteuse à jambon qui peut accueillir jusqu’à 1 tonne de viande. On malaxe, on ajoute de la saumure. Ensuite, il suffit de placer le tout dans un moule pour redonner une forme physiologique et d’ajouter au final une tranche de couenne pour faire plus vrai.
A propos, il y a quoi dans les saumures industrielles ? Sur les étiquettes des jambons cellophanés (où les tranches translucides trempent parfois dans une eau rosie), on a trouvé : E316 (érythorbate de sodium), conservateur de son état, son cousin l’acide ascorbique aux mêmes propriétés, E 621 (glutamate monosodique), un exhausteur de goût connu pour stimuler l’appétit mais fortement déconseillé pour la santé, des stabilisants du genre E 450 ou E 451, du sirop de glucose, du dextrose, des arômes… Le jambon « Prix gagnant » annonce seulement 73% de jambon de porc dans ses ingrédients. Soit 27% de E quelque chose.
Les goûts et les couleurs… Autre signe qui ne trompe pas pour différencier un jambon fermier de son cousin industriel : la couleur. Plus les jambons sont carrés et plus ils tendent vers le rose bonbon. En revanche, les modèles fermiers arborent plus facilement des couleurs pastels. Coquetteries porcines ? Plutôt une question de DLUO (date limite d’utilisation optimale) et de marketing. Presque 100% des jambons qu’ils soient bio, fermiers ou industriels, utilisent des nitrites mélangées à du sel pour se conserver (sur l’étiquette leur nom de code varie de E250 à nitrite de sodium).
Or il se trouve que sel nitrité permet non seulement à la charcuterie de se garder mais lui assure également une belle couleur rosée (pour info, un jambon sans nitrites vire au marron/gris). Plus il y a de nitrites donc, et plus le jambon peut rester longtemps en rayon. Le hic c’est que les chercheurs de l’INRA ont montré qu’à fortes doses, les nitrites étaient suspectés de favoriser les cancers des voies digestives (côlon en tête) alors qu’ils sont inoffensifs lorsqu’on les utilise avec modération… On vous ressert une tranche ?
Vous êtes perdu ? Pour tenter de nous éclairer (mais pas tellement quand même), le Code des Usages de la Charcuterie a défini 3 qualités de jambon cuit. Heureusement le magazine Terra Eco a su lire entre les lignes et nous livre son analyse en guise de conclusion.
Le « supérieur » contient un nombre limité d’additifs autorisés et représente 80 % des ventes en France. La saumure, (eau, sel nitrité, épices et parfois sucre) représente 10 % du poids. Le « choix » contient, lui, des polyphosphates, substances utilisées pour empêcher l’évaporation de la saumure lors de la cuisson. Ou comment faire payer de l’eau au prix du jambon ! Il représente 15 % des ventes. Dans le « standard », enfin, polyphosphates et gélifiants (pour que les muscles reconstitués restent collés les uns aux autres) sont autorisés. La saumure injectée représente 40 % du poids de la viande. Il représente 5 % des ventes.