Réflectivité du radar qui opère dans le domaine des micro-ondes (94 GHz). La ligne blanche indique le sommet de la structure nuageuse qui serait vu par un oeil nu surplombant le nuage. Les flèches rouges indiquent schématiquement le mécanisme avancé pour expliquer la formation des lobes nuageux : un fort refroidissement radiatif au sommet du nuage conduit à une couche de mélange turbulent et ultimement à l'apparition de lobes.
Des chercheurs du Laboratoire d'Optique Atmosphérique (Université de Lille/CNRS), en collaboration avec un chercheur américain, ont décrit l'observation par des satellites spatiaux d'une structure nuageuse inédite et spectaculaire de par ses dimensions et sa régularité spatiale. Celle-ci aurait le potentiel, de part son mécanisme de formation et son évolution temporelle, de faciliter le mélange d'airs troposphérique et stratosphérique et de modifier la composition de ces hautes couches d'atmosphère, une donnée sensible pour les recherches sur le climat.
Cette étude a identifié une formation inhabituelle au sommet d'un vaste système nuageux frontal situé sur la trajectoire des tempêtes nord-Pacifique. Le système se situe en effet à proximité d'un courant jet soutenu avec des vents horizontaux diagnostiqués à 80 m/s. Les imageries spatiales actives (radar et lidar) et passives (infrarouge) montrent un champ spectaculaire de lobes nuageux dirigés vers le haut, de 10 km de large, de 2 à 4 km de hauteur, sur une distance horizontale de plusieurs centaines de kilomètres. Ces lobes s'apparentent à une structure nuageuse connue de type mammatus, mais orientée vers le haut plutôt que vers le bas. Les auteurs ont dénommé cette structure mammatocumulus.
L'existence d'une telle structure nuageuse, jamais répertoriée, pose question. Ces observations, appuyées par des arguments théoriques et de précédents résultats de modélisation, suggèrent que ces lobes sont le résultat d'un brassage turbulent intense de l'air, conséquence d'un
fort refroidissement radiatif au sommet du système nuageux. Ce qui est également remarquable est l'apparente longue durée de vie de cette formation nuageuse. Près de 23 h après sa première observation, la formation nuageuse évolue pour laisser derrière le système frontal une
nappe de cellules nuageuses cumuliformes capable de se maintenir sur une distance de plusieurs centaines de kilomètres. Une telle formation nuageuse faciliterait les interactions entre troposphère et stratosphère, qui jouent un rôle essentiel sur l'équilibre énergétique terrestre et par conséquent sur le climat et ses changements.
Les données d'observation utilisées dans cette étude sont issues des imageries spatiales actives et passives de la constellation de satellites A Train, fournies par le centre de données et de service ICARE (CNRS/Univ.Lille/CNES).
Nicolas Ferlay, Timothy J. Garrett, and Fanny Minvielle, 2014: Satellite Observations of an Unusual Cloud Formation near the Tropopause. J. Atmos. Sci., 71, 3801–3815.